Musée du Chateau d'Argent

Lundi 4 juin 2018

 CHATEAU D’ARGENT

Conférences 2O17 – 2O18, par Danielle VINCENT.
 
«  Octobre 1917 - Octobre 2O17 :
 
LA REVOLUTION RUSSE ET LE « LIVRE NOIR DU COMMUNISME’  » 
Cycle de conférences sur la Révolution russe.
 
Musée Château d'Argent
Ariel et Danielle Vincent

215, rue Clemenceau, Villa ALICE

68160 Sainte Marie aux Mines 

Alsace - FRANCE

 

Tel. 06 47 14 67 88

     03 89 58 78 18

 

Visite guidée tous les jours

14h à 16h

 

Conférences - Entretiens – Débats
  
Suite de la conférence du 7 mai 2018
 

 Lundi 4 juin 2O18

 

Conclusion : « Le péché de mon Peuple » ?
 
L’idée s’était vite répandue, que la révolution russe était une révolution juive. La plupart de ses acteurs, en effet, étaient de familles juives, ainsi que son inspirateur, Karl Marx.
 
Marx était né dans une famille juive convertie au protestantisme. Il avait repoussé toute idée de foi, car, dans son idéologie, la foi n’est qu’un recours désespéré à une illusion, quand l’homme ne trouve pas ici-bas les moyens de construire son bonheur matériel. La religion est la carotte dont se servent la bourgeoisie et aussi l’Eglise pour faire marcher le peuple ; elle permet de masquer sa misère et de le consoler par des espérances trompeuses ; elle aliène son bon sens et sa volonté de s’en sortir dès cette vie terrestre. Elle est la drogue qui l’anesthésie de son mal-être.
Dans son étude sur « La question juive » de 1843, Marx pense que les juifs devront s’émanciper du Judaîsme. Mais ils ne pourront se libérer de leur religion qu’en rejoignant la révolution prolétarienne et en dépassant le système capitaliste.
A l’époque où Marx écrit, Zola dépeint dans ses romans la misère noire des ouvriers, celle des femmes et des enfants au travail, et le recours à l’alcool qui était une drogue bien plus prisée encore que la religion.
On comprend alors, qu’à la suite de Karl Marx, la révolution prolétarienne ait rejeté la religion, qui la détournait du combat mondial pour une amélioration matérielle de la vie des pauvres gens, afin de porter le fer à la racine du mal, c'est-à-dire l’exploitation de l’ignorance, de la docilité et de la sueur du peuple.
Il est étrange que, chez Marx, la pensée juive et la pensée protestante, très enracinées l’une et l’autre dans la lutte pour la possession d’une terre et pour l’amélioration de l’ordre mondial, n’aient pas trouvé d’écho. Ou alors, c’est inconsciemment qu’il était juif ou protestant. Les racines de sa pensée matérialiste plongent à notre avis profondément et inconsciemment dans le terreau religieux de ses ancêtres.
Un marxisme juif et un marxisme chrétien pourraient être les résultantes logiques de sa philosophie.
 
Séparer le marxisme de la religion, comme vont le faire après lui les socialistes révolutionnaires et les bolcheviques, serait alors, en fait, une inconséquence.
 
« Le péché de mon Peuple » est mainte fois évoqué dans l’histoire juive.
Il prend la forme d’une transgression des lois divines et de la rupture de l’alliance avec Dieu, comme en Isaïe 24/5. La dévastation du pays en est la conséquence. L’idolâtrie, la quête d’autre dieux est le grand péché du peuple ( Osée 9/1O), ainsi que la corruption qui résulte de la richesse matérielle (Osée 9/1-3). En général, l’abondance est suspecte dans la Bible, car elle mène à l’autosuffisance, à l’insolence et à la corruption sous toutes ses formes. Inversement, l’indigence, la traversée du désert et l’épreuve sont tout aussi dangereuses pour la foi, car elles suscitent la révolte et le reniement. En somme, aucune situation ne peut dispenser le peuple de garder fidélité à sa foi, ni l’excuser quand il la renie.
 
Les Juifs étaient nombreux, dans la Russie de la fin du dix-neuvième siècle. On en comptait cinq millions. Ils formaient la plus grande communauté juive du monde. Concentrés surtout dans la partie occidentale du pays, en Ukraine et en Biélorussie, ils représentaient pas loin de dix pour cent de la population de ces riches régions agricoles et industrielles. Mais eux étaient pauvres, misérables parfois, ainsi que le relevait une commission gouvernementale en 189O. Ils vivaient avant tout de petit commerce et d’artisanat.
Ils subissaient régulièrement des persécutions aux causes diverses.
Le gouvernement tsariste avait restreint leurs libertés et orchestré des campagnes contre eux : on les accusait d’entretenir des agitations populaires, et même d’avoir fomenté l’assassinat du tsar Alexandre II, au Palais d’Hiver de St Pétersbourg, le 13 mars 1881. Dans les années qui suivent, on compte des violences antisémites dans vingt-six localités. Les familles juives émigrent alors en nombre vers les Etats-Unis. Les soulèvements anti-juifs étaient si violents, qu’ils furent appelés « pogroms », un nom russe signifiant le tonnerre, la destruction et l’anéantissement.
On retrouve des pogroms dans une vingtaine de villes dès 19O2. Le pogrom le plus sanglant eut lieu le 6 avril 19O3 à Kichinev, la capitale de la Moldavie. Une jeune fille chrétienne s’était suicidée, et son employeur juif fut accusé d’être responsable de ce drame. S’en suivirent pendant deux jours des tueries, tortures, viols, saccages et profanations de lieux et d’objets religieux juifs. Des milliers de maisons furent détruites.
 
Alexandre Soljenitsyne parle de l’histoire des juifs en Russie, de l’antisémitisme et des persécutions dans son œuvre  intitulée : Deux siècles ensemble. Juifs et Russes avant la Révolution. Traduit par Anne Kichilov et paru aux éditions Fayard en 2OO2.
L’auteur pense que l’ antisémitisme et ses violences, en Russie, étaient dus à la révolte contre « le joug que les juifs faisaient porter à la population locale ». Ils passaient pour des traîtres à la monarchie, et des spéculateurs.
Les trois quart des pogroms eurent lieu en Ukraine, où se trouvait la majeure partie de la population juive. Le régime tsariste assimilait les juifs aux anarchistes et aux communistes. La plupart des mencheviks étaient juifs, ainsi que la moitié des membres des partis révolutionnaires dans leur ensemble .
Il faut se demander pourquoi.
 
Après l’assassinat d’Alexandre II, les tsars avaient restreint les libertés, les endroits de vie et de travail des juifs, ainsi que leur accès à l’enseignement. En 1891 les artisans juifs sont expulsés de Moscou. L’Etat prend le monopole sur les spiritueux, en 1896, alors que les marchands juifs en faisaient un vaste commerce. Le tsar Nicolas II essaya de revenir en arrière en signant un manifeste, le 17 octobre 19O5, qui leur redonnait certains droits. Théodore Herzl, mort en 19O4, pensait que l’oppression dont les juifs étaient l’objet, devait les pousser vers les partis révolutionnaires. Mais l’antisémitisme étant alors un phénomène présent dans toute l’Europe, la visée de Herzl se répandit sur deux lignes : les revendications juives devaient porter la révolution dans le monde entier, pas seulement en Russie ; c’était déjà l’idéal de Marx. Et les juifs avaient besoin d’un pays à eux où se retrouver et vivre leur religion en toute liberté ; c’était le sionisme. Herzl était conscient que trois choses étaient impossibles pour les juifs vivant en Russie : premièrement, perdre leur identité, en s’assimilant à la culture russe, en adoptant langue et coutumes, alors que le yiddish demeurait la langue pratiquée au sein des communautés juives de Russie, et que les pratiques religieuses ainsi que la foi ne pouvaient se laisser influencer par le christianisme ambiant… Les rabbins déploraient justement cette perte d’identité chez les juifs qui rejoignaient les partis de la Révolution. Deuxièmement, s’isoler et vivre en autarcie, coupé de tout, n’était pas compatible avec l’activité économique des juifs en Russie, contraints de commercer pour vivre. Troisièmement, se rassembler dans un état israélite autonome, avec un gouvernement, des lois, un enseignement et une langue spécifiques, n’était pas possible non plus dans la Russie des tsars. Pour faire cela, il fallait partir. Herzl pensait fonder son Etat juif en Ouganda, ainsi que le lui proposait le Royaume-Uni, ou encore au Congo, en attendant la Palestine, qui lui était farouchement refusée par le sultan de l’Empire ottoman.
 
Ce fut le mouvement autonomiste qui donna naissance au Bund. Il avait été créé en 1897. Il avait été l’organisateur, l’année d’après, du Parti ouvrier social démocrate russe. Mais les Iskristes, qui étaient majoritaires dans ce Parti ouvrier, et qui publiaient la revue Iskra, avec Léon Trotzky, s’opposaient aux idéaux séparatistes du Bund. Ce dernier préconisait en effet l’autonomie politique et culturelle des juifs, le droit de gérer leurs affaires et notamment l’éducation en yiddish. « Cette autonomie nationale et culturelle, l’idée de soustraire à l’Etat la gestion de l’enseignement est une erreur » écrivait Lénine dans la Pravda, en août 1913. Pour Trotsky, le Bund allait à l’encontre de l’idéal marxiste universaliste, qui voulait renverser les barrières entre les races, les religions et les nationalités. Il ne pouvait tolérer une séparation dans le monde ouvrier, entre les travailleurs juifs et les autres. Une scission entre les Parti ouvrier social démocrate et le Bund était inévitable et se produisit au Congrès de Londres, le 3O juillet 19O3, second congrès du Parti social démocrate russe.
 
Les vexations antisémites de la monarchie tsariste, les quotas dans l’enseignement, les pogroms, l’autonomisme prôné par le Bund, étaient les principaux facteurs qui avaient incité la jeunesse juive à rallier les partis de la Révolution.
 
Le 25 octobre 1917, le deuxième Congrès des Soviets prend des mesures dont vont bénéficier les communautés juives  et qui seront complétées par la suite . Sont décrétés :
 
- L’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie .
- Le droit des peuples de Russie à disposer librement d’eux-mêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un Etat indépendant.
- L’abolition de tout privilège et de toute restriction de caractère national ou religieux.
- Le libre développement des minorités nationales et des groupes ethniques peuplant le territoire russe. (La Finlande proclame alors son indépendance le 6 décembre 1017 ; l’Ukraine, le 22 janvier 1918 ; la Pologne, le 11 novembre 1918).
- La suppression, à l’intérieur des frontières, de toute discrimination en fonction de la nationalité ou de la religion. Ainsi, pour les Juifs, il n’y a plus de restrictions d’ accès à certains métiers comme l’enseignement ou la magistrature.
- La séparation de l’Eglise et de l’Etat sera décrétée le 23 janvier 1918.
- L’égalité juridique entre les citoyens, et entre hommes et femmes.
- Les mêmes droits sont accordés aux femmes et aux hommes, y compris le droit de vote.
- L’égalité totale des droits dans le mariage et le divorce.
- La fin de la discrimination des enfants illégitimes est décidée en décembre 1917.
- La légalisation de l’avortement est décrétée en 192O.
- L’homosexualité est dépénalisée en 1922.
- La peine de mort est abolie en février 1917, mais rétablie en juillet.
- La terre est redonnée aux paysans.
- Les grandes entreprises sont nationalisées.
- Les banques sont nationalisées.
- Les emprunts russes et la dette sont effacés.
- L’instauration d’un système d’assurance sociale.
- L’enseignement général est obligatoire, laïque et gratuit. 
- Des mesures sont prises en faveur de la libération et de la diffusion des Arts et de la conservation du Patrimoine.
- Le Patrimoine culturel est nationalisé.
 
Avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat ainsi que de l’enseignement, les synagogues sont nationalisées et l’enseignement religieux est interdit. Un conseil national chargé des affaires juives est constitué.
En juillet 1918, les pogroms sont officiellement interdits et l’antisémitisme condamné comme contraire à la liberté de religion.
En octobre, une section juive du parti communiste russe, l’Evsektia, voit le jour. Elle pousse à la fermeture des établissements religieux ainsi qu’à la dissolution des communautés religieuses. Ceci provoqua une série de procès et une hostilité accrue contre les partis juifs et sionistes, contraints dès 192O, de rentrer dans l’ombre.
 
L’opinion, influencée par la propagande de l’Armée blanche, était persuadée de l’équivalence entre Juifs et communistes. Historien de la révolution russe et de l’Empire des Tsars, notoirement antisémite, Richard Pipes, né en Pologne en 1923 et mort à Boston très récemment, le 17 mai 2O18, avait parlé de la « conjonction fatale » qui associait les juifs et
la Révolution bolchevique.
 
En 19O1 un certain Matvei Golovinski, informateur de l’Okhrana, la police secrète russe, avait rassemblé, à Paris, et présenté en russe les procès-verbaux des vingt-quatre séances du premier Congrès sioniste de Bâle, tenu sous la présidence de Théodor Herzl en 1897. Ces transcriptions ou « protocoles » furent diffusées en occident par les partisans du tsar, et traduites en allemand, en anglais et en français. On les appela : « Protocoles des sages de Sion ». Il s’agissait d’une liste de résolutions et de projets attribués à la communauté juive et visant à la domination du monde. Certaines phrases  pouvaient ressembler à des prophéties ; on n’a pas manqué de faire le rapprochement, plus tard, avec tel ou tel événement politique.
Le but de leur diffusion était de prévenir le tsar Nicolas II du danger que représentaient les juifs pour la monarchie, et de leur ouverture sur les idées révolutionnaires. Pour la conquête du monde, les Protocoles préconisaient en effet d’utiliser guerres et révolutions, mais aussi la ruse, la persuasion et la diplomatie.
Les Protocoles des sages de Sion ont connu de suite un grand succès. Ils ont contribué à la montée de l’antisémitisme. Ils paraissent en Allemagne en janvier 192O. Mein Kampf y fait allusion et y voit la preuve d’un complot juif mondial. Cependant, Joseph Goebbels, chef de la propagande hitlérienne, ne semble pas les connaître avant 1943, et n’en fait pas mention.
Ils ont été interdits en France sous Jacques Chirac, puis rediffusés légalement à partir de 2O1O, et publiés l’année même par Philippe Randa, militant politique d’extrême-droite
 
Très connu dès le début du 2Oe siècle, ce « Programme juif de conquête du monde » ainsi que les Protocoles ont été appelés, aura pu tourner la tête à une couche de la jeunesse juive.
Combinées aux idées universalistes de Marx, ces propositions avaient-elles créé un mélange explosif et un détonateur de révolution ?
 
Vladimir Oulianov était de famille juive.
Moshe Blank, le grand’père de Maria Blank, la mère de Lénine, avait eu maille à partir avec sa communauté. Ses deux fils s’étaient convertis au Christianisme orthodoxe. Alexandre, l’un des deux, épousa une Allemande luthérienne. Leur fille, Maria Alexandrovna se maria en août 1863 avec Ilia Oulianov, qui devint inspecteur des Ecoles à Simbirsk. Le couple eut huit enfants, dont Vladimir, né en 187O, qui fut baptisé dans l’Eglise orthodoxe russe. 
Fidèles sujets du Tsar, les parents de Lénine lui offrirent une jeunesse privilégiée. A l’âge de six ans, il hérita de titres de noblesse. Il était un élève brillant, étudia cinq langues, et devint chef de cette famille lorsque le père mourut prématurément à l’âge de 53 ans.
Dès lors son caractère s’aigrit. Souvent en conflit avec sa mère, il est traumatisé par l’exécution de son frère Alexandre, passé aux anarchistes qui avaient tenté d’assassiner le tsar.
Il opère une rupture complète avec les orientations de sa famille. Lisant Marx, il opte pour un matérialisme athée. Il critique «  l’ère sanglante d’exploitation et d’esclavage » chrétienne, mais ne devient cependant pas intolérant : la religion, à ses yeux, peut s’exercer, mais seulement dans la sphère privée.
Cette tolérance sera partagée aussi par Alexandre Kerensky qui dénoncera la destruction du monastère St Simon de Moscou en 193O, par le Comité central du Parti, dans le but d’édifier à la place un « Palais de la Culture prolétarienne ». « Le socialisme, disait-il, n’a rien de commun avec cette haine sauvage de la religion ».
 
Lev Davidovitch Bronstein , dit Trotsky, était né en Ukraine, à Bereslavka, le 7 novembre 1879, dans une famille de paysans juifs. Marxiste et membre du Parti ouvrier démocrate, il est arrêté en 1898, déporté en Sibérie, d’où il s’évade en 19O2. Il prend le nom de Trotsky et se réfugie à Londres. C’est là qu’il rencontre Lénine et commence à collaborer avec la revue Iskra. Il adopte une attitude conciliatrice entre mencheviks et bolcheviks. Il est arrêté de nouveau, lors de la révolution de 19O5, s’évade encore, et rejoint l’Amérique.
Il est élu au comité central du parti bolchevique dès 1917, et devient un des principaux collaborateurs de Lénine. Il est nommé Commissaire aux Affaires étrangères, puis Commissaire à la Guerre, et met en place l’Armée rouge.
Son idéal, c’est la « révolution permanente et internationale,», ce qu’on a appelé le Trotskisme. Il diffère de celui de Staline qui voulait se cantonner surtout à la Russie.
Après l a mort de Lénine, en conflit avec Staline, il est, en 1929, exclu du Parti communiste et expulsé d’URSS. Son périple en Turquie, en France, en Norvège, se termine alors au Mexique. Il y organise en 1938 la quatrième Internationale dite « trotskiste ».
Le 21 août 194O, probablement sur ordre de Staline, Léon Trotsky est assassiné à Mexico.
 
Il avait publié : « 19O5 » en 19O9 ; «  Ma Vie » en 1929 ; « La Révolution permanente » (1933) ; «  La Révolution trahie » (1937) ; «  L’Ecole stalinienne de falsification » (1937).
 
Trotsky aborda la question juive sous tous ses angles : la question de l’assimilation, de l’emploi du Yddish, le problème de la « région autonome juive », le sionisme, la montée du nazisme, et le conflit arabo-juif en Palestine. Universaliste, il rejetait le particularisme juif, et le sionisme de Herzl. Il dénonça vigoureusement l’antisémitisme et les pogroms, notamment le pogrom d’Odessa, dont il accusait l’Eglise, le pouvoir tsariste, les Cosaques et la rumeur publique. Il défend la cause juive avec passion, aussi dans l’affaire Beilis, s’identifie avec les victimes, et c’est ce qui lui donne, plus qu’à d’autres, un grand pouvoir de conviction . Il note qu’en Roumanie, l’antisémitisme était devenu une véritable religion d’Etat.
 
A ses yeux, et c’est capital, le salut des juifs en Russie et dans le monde, de même que celui des travailleurs, passe par le socialisme.
 
A partir de 1917, les campagnes antisémites, en Europe et en Russie, se dirigèrent surtout contre le socialisme et contre la Révolution. « Depuis le jour de son apparition, le bolchevisme est une entreprise juive », écrivait en novembre 1921, le futur sympathisant nazi, Alfred Rosenberg. Il avait intitulé son pamphlet, publié à Munich : « Bolchevisme juif ».
 
Les pogroms perpétrés par l’Armée blanche, les Anarchistes et les Cosaques, étaient consciemment des actes de vengeance « contre une révolution qu’ils jugeaient comme étant l’œuvre des juifs », ainsi qu’on peut le lire dans article d’internet sur Léon Trotsky. Il y a eu plus de mille pogroms en Ukraine, et plus de 125.OOO victimes juives.
 
Le Livre noir du Communisme ne parle pas de la question juive ni de son implication dans la Révolution russe. Il se termine par une réflexion philosophique et psychologique sur le « pourquoi », les causes profondes de ce cataclysme.
 
Notre conclusion sera de dire qu’il y a eu une nombreuse et intense participation des juifs à la Révolution et au gouvernement socialiste soviétique. Une intense réflexion aussi, à l’origine.
Mais il ne convient pas de juger une guerre ou une révolution sur les atrocités commises , ni sur le nombre de victimes. Bourreaux, traîtres, morts et victimes se trouvaient dans tous les camps, et en nombre équivalent.
La question est de savoir si c’est en tant que fidèles au Judaîsme que les juifs révolutionnaires avaient combattu ? Etait-ce parce qu’ils voulaient affirmer leurs lois et leur mentalité face à l’ancien régime ? Etait-ce parce qu’ils étaient mal aimés et sans cesse persécutés ? Etait-ce à cause de leur extraordinaire intelligence ? Etait-ce parce qu’ils voulaient dominer le monde ? Ou était-ce au contraire, et nous l’affirmerions volontiers, parce que, éternels errants et pauvres de Dieu, ils se sentaient plus solidaires que quiconque des paysans dépossédés et des travailleurs exploités ? Nous pensons que c’est bien cette empathie avec la grande misère du peuple russe, et des peuples tout court, que l’option socialiste est devenue, au moyen de la révolution, leur raison de combattre.
 
Mais là où on pourrait parler du « péché de mon Peuple », c’est quand le peuple renie sa judéité, sa religion et son témoignage de foi ; c’est quand Marx lui demande de ne plus être juif ; quand les juifs du gouvernement socialiste se rendent complices de l’effacement et de l’oubli de leur identité. Même l’étoile jaune, à l’époque nazie, en témoignait et rappelait cette identité au monde comme un kérygme. Il n’y avait pas de signe distinctif dans le gouvernement russe. On aurait dit que la plupart, mais certainement pas Trotsky, se fichaient pas mal d’être juifs, et cachaient même, comme Lénine, soigneusement leurs origines.
 
Le « péché de mon Peuple », comme dans la Bible, c’était bien celui-là.
 
 
Danielle Vincent
1er juin 2O18.