Musée du Chateau d'Argent

Décembre 2018 - Philosophie

 

Château d’Argent
 
Formations continues - Décembre 2O18 :  Philosophie
 
 
Friedrich Nietzsche:   Eléments de réflexion
 
Voici quelques pensées extraites des Notes et Aphorismes, publiées en appendice de l’ouvrage « Ainsi parlait Zarathoustra »  (Paris, Gallimard, 1963), p. 383 à 441 :
 
1O. Il est insupportable de rester seul avec une grande pensée. Je cherche et j’appelle des hommes à qui je puisse faire part de cette pensée et qui n’en périssent pas.
 
14. En vérité, vous qui êtes éveillés ! Il faut que vous appreniez à rêver dans la vie : et moi-même je veux vous attacher à la vie par la ceinture du rêve. Car rêver de la vie, c’est justement là ce que j’appelle : « être éveillé ».
 
18. Celui dont la pensée a franchi, ne fût-ce qu’une fois, le pont qui conduit au mysticisme, n’en revient pas sans que toutes ses pensées en portent le stigmate.
 
23. La logique et la mécanique ne s’appliquent qu’aux choses les plus superficielles. La logique et la mécanique n’atteignent jamais la cause profonde.
 
59. C’est la théologie qui a étouffé Dieu, et la moralité, la morale.
 
81. L’héroïsme, c’est l’état d’esprit d’un homme qui tend vers un but en regard duquel lui-même n’entre plus du tout en ligne de compte. L’héroîsme, c’est la bonne volonté de sombrer soi-même.
 
86. C’est la commodité, la sécurité, la timidité, la paresse, la lâcheté qui s’efforcent d’enlever à la vie son caractère dangereux, et qui voudraient tout organiser : tartufferie de la science économique ! La plante humaine se développe le plus vigoureusement lorsque les dangers sont grands, dans les conditions incertaines.
 
99. Veux-tu avoir la vie facile ? Reste toujours près du troupeau et oublie-toi en lui.
 
1O1. Tel est le penchant des petites âmes : elles voudraient, par leurs flatteries, abaisser jusqu’à elles ce qui est grand, pour s’asseoir à la même table.
 
1O4. Recette de vulgarité : faites ce que vous voulez, mais prenez garde de ne pas heurter.
 
115. Le domptage des hommes a été mécompris jusqu’à présent comme étant du ressort de la « morale ».
 
157. Lorsque cent hommes sont réunis, chacun d’entre eux perd son intelligence et est doté d’un autre esprit.
 
191. Le but est de faire l’homme aussi égal et ferme que la plupart des espèces animales le sont devenues : elles sont adaptées aux conditions terrestres et ne se modifient plus sensiblement. Mais l’homme se modifie encore ; il est en plein devenir.
 
2O6. (L’influence de Nietzsche sur Hitler) : Le nouveau problème : savoir si l’on ne pourrait pas élever une partie de l’humanité aux dépend des autres, et en faire une race supérieure. Education…
 
212. (Idem) : Mon exigence : produire des êtres qui soient placés au-dessus de toute l’espèce humaine, et qui sacrifient à cette fin tous leurs « prochains ».
 
215. L’homme est quelque chose qui doit être surmonté.
 
229. Ce sont toujours les parents qui sont élevés par les enfants. Je veux dire : par les enfants dans tous les sens du mot, même au sens le plus spirituel. Il n’y a que nos œuvres et nos disciples pour donner au navire de notre vie le compas et la grande direction.
 
23O. Comme créateur tu t’éloignes de toi-même. Tu cesses d’être ton contemporain.
 
232. On ne saurait penser assez haut des femmes.
 
233. Il faut éprouver longtemps au tréfonds de soi quel bienfait est la femme.
 
234. Tous les hommes très riches et désordonnés prennent un caractère moral sous l’influence de la femme qu’ils aiment. Ce n’est que par le contact avec la femme que beaucoup de grands hommes se sont acheminés vers leur grande voie.
 
244. Ne pas espérer des félicités lointaines et inconnues, des bénédictions et des grâces, mais vivre de telle sorte que nous voudrions encore une fois et éternellement vivre de même.
 
246. La pensée la plus forte a besoin de millénaires ; longtemps, longtemps, il faut qu’elle demeure petite et impuissante.
 
253. D’hommes qui prient, nous devons devenir des hommes qui bénissent.
 
267. Après un tel appel jailli du tréfonds de l’âme, n’entendre le son d’aucune réponse, c’est une expérience effrayante, dont l’homme le plus tenace peut périr : cela m’a délivré de tous les liens avec des hommes vivants.
 
 
Quelques lignes essentielles peuvent être tirées de ces réflexions :
 
D’abord, le besoin de dépassement : par le rêve, le mysticisme c'est-à-dire l’intuition et la contemplation de choses cachées, une grande pensée, la recherche des causes profondes, le refus des idées toutes faites sur Dieu et sur la morale, le refus du bien-penser, du politiquement correct, de la commodité ; le refus de suivre le troupeau et de s’abaisser à son niveau. Ce dépassement par le non-conformisme et l’individualisme traduit aussi chez Nietzsche une méfiance vis-à-vis de la masse et de la vulgarité, un côté aristocratique de sa pensée, qui était bien l’expression de la mentalité allemande de l’époque. Ses outrances sur la production d’une race supérieure doivent aussi être placées dans ce contexte. Elles nous paraissent monstrueuses, mais nous n’avons pas à porter sur une philosophie un jugement de valeur.
 
Paradoxalement – mais seulement en apparence - ce dépassement a comme idéal le monde animal, son absence d’artifices et sa stabilité éternelle : « Les animaux sont tes meilleurs amis et tes maîtres», « Le royaume des cieux est chez les vaches ! », telle est la leçon qui ressort de la rencontre avec le Mendiant, gardien du troupeau (IVe partie, op.cit. p. 3O5-31O)
 
Ce qui apparaît ici également, c’est une vision optimiste de l’existence et de l’avenir : par la projection dans l’œuvre à accomplir et dans la postérité ; par la valorisation joyeuse de l’existence terrestre et le refus de l’utopie surnaturelle.
 
Les réflexions se terminent par l’acceptation quasi-héroïque de l’incompréhension des autres, et de la solitude du philosophe.
 
Pessimisme protestant et optimisme victorieux se disputent partout, chez Nietzsche. Son optimisme lui-même est construit sur la négation du surnaturel, tel qu’il a été compris jusque-là. Il est ouverture sur une nouvelle joie terrestre, dont il serait difficile de nier qu’elle ressemble, et même revient, mais sans le dire, au paradis de la Genèse.
 
Danielle Vincent
12 décembre 2O18.

 

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