Journal janvier 2025
L A V O I X D A N S L E D E S E R T
Mensuel gratuit du Château d’Argent.
N ° 7 2 - Janvier 2 0 2 5
Le pauvre a toujours tort.
Il s’est défendu comme il a pu, André. Ceux de la Mairie ne voulaient ni l’écouter ni le comprendre. Ils l’ont mis à la porte. Le pauvre bougre voulait simplement récupérer le petit animal qu’on lui avait confisqué. Ce n’était pas un petit chat, mais une jolie poule rousse. Il l’avait toujours sur son épaule. Il fallait voir le tableau. Il aimait sa Cocota comme son enfant.
J’imagine la réaction d’une mère à laquelle on prendrait son petit. Elle aussi cognerait contre les portes et écrirait sa douleur en grandes lettres sur les murs ou dans la rue. Mais si, en plus, on la chassait de la Maison commune, si les édiles portaient plainte contre cette mère, la traînaient au tribunal, et si les juges eux-mêmes la condamnaient parce qu’elle ne pouvait se rendre à l’audience (à pied, une quarantaine de kilomètres), et parce que les sacro-saints biens publics avaient été tagués (car, précisons qu’il n’y a de tags nulle part en France), et que, si pauvre, elle devait donner le restant de son mois au tribunal, là, toutes les mères de notre pays se soulèveraient, se rassembleraient, iraient forcer les portes de la mairie, envahir le tribunal ; l’affaire monterait jusqu’au gouvernement et serait étalée dans tous les journaux.
Mais un pauvre qui n’a rien que ce petit compagnon, celui-là ne peut pas se défendre, car il n’est pas compris ; il est méprisé. Le riche est méprisé dans ce pays, mais le pauvre aussi. La société le tue moralement. La société ne veut pas le voir. Il ne doit pas exister. Avec son vieux pantalon, ses baskets fatiguée s des longues marches, son havresac où il promène toute sa fortune, et le saucisson, et la baguette de pain, et encore son plus grand trésor, non pas une poule de luxe comme tant d’autres, mais un oiseau aux plumes d’or : avec cet accoutrement, en effet, il n’a rien à faire sur le dallage immaculé d’une mairie, ni parmi ces élus si bien mis.
« L’Eternel envoya Nathan vers David. Et Nathan vint à lui et lui dit :
Il y avait dans une ville deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre.
Le riche avait des brebis et des bœufs en très grand nombre.
Le pauvre n’avait rien du tout qu’une petite brebis, qu’il avait achetée.
Il la nourrissait, et elle grandissait chez lui avec ses enfants. Elle mangeait de son pain, buvait dans sa coupe, dormait sur son sein, et il la regardait comme sa fille.
Un voyageur arriva chez l’homme riche. Et le riche n’a pas voulu toucher à ses brebis ou à ses bœufs, pour préparer un repas au voyageur qui était venu chez lui.
Il a pris la brebis du pauvre et l’a apprêtée pour l’homme qui était venu chez lui.
La colère de David s’enflamma violemment contre cet homme, et il dit à Nathan :
L’Eternel est vivant ! L’homme qui a fait cela mérite la mort ! Et il rendra quatre brebis, pour avoir commis cette action et pour avoir été sans pitié.
Et Nathan dit à David : Tu es cet homme-là ! »
(2 Samuel 12,1-7).
Tu es cet homme-là quand tu as été sans pitié, sans humanité. Qui que tu sois : magistrat, élu, gendarme, juge, propriétaire, banquier, ministre, président ou roi.
C’est étrange : les journaux avaient affublé notre ami du « syndrome de Diogène ». Certes, Diogène couchait dans des cavernes, menait une vie de vagabond et ne s’intégrait pas à la société.
Mais il s’est promené un jour à Athènes, en plein midi, avec une lampe allumée. A ceux qui se moquaient de lui, il répondit :
« Je cherche une homme ».
Depuis vingt-cinq siècles, Diogène le cherche toujours.
Danielle Vincent.
L A P H R A S E D U M O I S :
« Ce sont les minorités qui font l’histoire ».
(Philippe de Villiers : Mémoricide. Paris, Librairie Fayard, 2024, p. 378).
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La Voix dans le Désert. Mensuel gratuit du Château d’Argent.
Directrice de publication : Danielle Vincent.
Editions du Château d’Argent, 185 rue de Lattre de Tassigny, 68160 Ste Marie-aux-Mines.
Mise en page et impression : ZAPA Informatique.
ISSN : 2650-7225.
Dépôt légal : 1er trimestre 2025.
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