Musée du Chateau d'Argent

Journal juin 2025

L A   V O I X   D A N S   L E   D E S E R T

Mensuel gratuit du Château d’Argent

 77 - Juin 2025

ALMER.
 
« Am Grabe streuen Menschen Blumen.
Warum denn nur im Leben nicht ?
Warum so zaghaft mit der Liebe,
Und warten bis das Herze bricht ?
 
Den Toten freuen keine Blumen.
Er spürt im Grabe keinen Schmerz.
Würd’ man im Leben Liebe üben,
So schlüge länger manches Herz » ( 1 ). 
 
Nous sommes en Europe. Chacun devrait comprendre le poème ci-dessus. Et devrait  posséder au moins des rudiments de toutes les langues se pratiquant en Europe : pas seulement l’anglais, mais aussi l’allemand, l’italien, l’espagnol, le néerlandais, le tchèque, le grec etc. Il n’y a pas d’Europe ni de fraternité européenne sans compréhension des langues.  Il est aussi indispensable d’avoir quelques notions concernant des langues non-européennes et fort courantes cependant : il est ennuyeux de ne pas comprendre le russe, l’arabe  ou l’hébreu. Depuis longtemps, en classe, ces langues auraient dû être  au moins abordées, ne serait-ce que pour  pouvoir communiquer entre touristes.
 
Avant de construire des palais pharaoniques, plus laids les uns que les autres, et dont l’argent aurait pu être consacré à l’enseignement des langues,  avant la politique et les questions économiques,  il  fallait d’abord essayer, en Communauté européenne, de se comprendre et d’initier les enfants aux différents idiomes des pays voisins.
 
Or, souvent en raison du passé, les Français détestent la langue germanique. Cependant, la concorde entre les peuples d’Europe ne peut se tisser que par la compréhension.
 
Cette poésie, très belle, parle de l’amour et dénonce les gestes artificiels quand le coeur n’y est pas.  Or, comment le coeur y serait-il si, dès l’enfance, on n’a pas appris à aimer son prochain ? Je vois qu’aujourd’hui, la plupart des enfants ont peur des adultes,  parce qu’on les met partout en garde contre eux.  Pédophilie oblige.
 
Mais on est là dans un piège : si l’autre est, dès l’enfance,  perçu comme un danger, comme un ennemi,  plus tard   l’ affectivité  pourra-t-elle encore se développer ? Comment  saura-t-on un jour faire confiance et donner son amitié ? Avez-vous remarqué que les enfants se crispent quand vous posez seulement la main sur leurs cheveux ?  A la fin, aucune marque d’affection n’est plus permise, ni aucun contact physique.  « Warum so zaghaft mit der Liebe und warten bis das Herze bricht ? »  « Pourquoi être si avare (ou dur) en affection, et attendre jusqu’à ce que le coeur se brise ? »
 
Parce que cette dureté vous a été inculquée dès l’enfance.  Pas de bisous, pas de caresses, pas de compassion.  Ces enfants-là seront aussi cruels envers les animaux. Or tous les psy vous diront que, dès la naissance, le contact physique avec l’enfant est vital, et que celui qui est privé de sa mère aura plus tard de lourds problèmes  de  sociabilité et de confiance en soi.   Le contact physique, dont on a peur aujourd’hui à cause des déviations pédophiles, est sécurisant et valorisant pour l’enfant, pas seulement pour le nourrisson, mais quel que soit son âge ; c’est ainsi qu’il apprend à s’ouvrir aux autres et à aimer son prochain,  aussi l’étranger d’un autre pays.  S’il a manqué d’affection en étant petit, sa vie est gâchée d’avance, comme une plante qui n’aura jamais eu de soleil.
 
Alors, entre risque d’agressions pédophiles et nécessité de tendresse, où est la solution, « der goldige Mittelweg » ? ( 2 )
 
Educateurs et institutions religieuses qui sont aujourd’hui en cause pour des actes de pédophilie, ont souvent confondu l’éros et l’agapè,  le sexe et l’affection.
Le diable est dans cette confusion.
Le premier, l’éros, n’est pas de l’amour ou alors un amour déguisé, voire dégradé.
Dans l’original grec du Nouveau Testament, le terme d’eros n’est jamais utilisé pour désigner l’amour ; c’est toujours agapè (l’affection sincère de l’amitié) ou philia (l’amour filial ou fraternel).
Le fameux hymne à l’amour de Saint Paul dans la première Epître aux Corinthiens utilise le terme d’agapè (1 Cor. 13). On l’a traduit par le terme édulcoré de « charité ». En réalité, il est l’amour  parfait.
Le grand commandement de l’amour dans l’Evangile de Jean (Jn 13/34) parle d’agapè (« agapatè allélous » : « aimez-vous les uns les autres »).  « Le plus grand amour, celui qui donne sa vie » (Jean 15/13)  est aussi appelé agapè.
L’amour au sens grec de philia  ou d’agapè, d’amour fraternel et d’amitié n’a absolument rien à voir avec l’amour charnel, l’éros, toujours vu négativement dans la Bible. Au contraire,  l’agapè est  chaste, innocent, respectueux de l’enfant et de la personne en général.
Un travail devrait être fait sur cette distinction, que seul le recours au grec peut aider    à  comprendre.  Car Freud n’a peut-être pas forcément raison :  l’amour, la tendresse, peuvent aussi être autre chose que la sexualité, et c’est de cette affection innocente qu’il ne faut pas priver l’enfant.
 
Pourquoi tant de réserve et de froideur durant la vie, pourquoi attendre que le coeur se brise pour apporter des fleurs et témoigner son affection ? Si l’autre avait été entouré dès l’enfance de chaleur, de compréhension et de gentillesse,  bien des maladies ne se manifesteraient pas,  s’il est vrai qu’elles sont toutes, en somme, des maladies psychosomatiques,   remplissant les hôpitaux et les prisons. 
 
Ainsi, les deux thèmes de cette réflexion se rejoignent :  se comprendre entre peuples, pouvoir se parler, connaître la langue de l’étranger, c’est aussi connaître   sa mentalité, sa manière de vivre et son histoire. C’est apprendre à connaître les causes de son histoire.  Et c’est déjà un premier pas vers  la concorde.
 
Mais si l’être humain est exercé dès l’enfance à la dureté, à la méfiance, à l’évitement, à la défense contre l’autre, il sera difficile plus tard de l’ouvrir à cet autre, surtout quand cet autre sera différent,  avec un autre langage, d’autres coutumes et une histoire dont, depuis toujours, on lui a fait  porter la culpabilité. 
 
On veut la fin des guerres.  Mais comment y parvenir autrement ? La fin des guerres commence dans le coeur.
 
Danielle Vincent.
N O T E S :
 
( 1 )   « Sur la tombe, les gens  apportent des fleurs.
Mais pourquoi pas pendant la vie ?
Pourquoi être si dur en amour,
Et attendre que le coeur se brise ?
 
Les fleurs ne peuvent réjouir celui qui est mort.
Dans la tombe, il n’éprouve aucune douleur.
Si l’on avait, pendant la vie, offert de l’amour,
Plus d’un coeur battrait encore ».
 
( 2 )   Le chemin idéal.  
 
L A   P H R A S E   D U   M O I S :
 
 « Il n’y a pas d’Europe sans la compréhension des langues.  Et  la fin des guerres commence dans le coeur ». 
 
Château d’Argent :  comprendre pour s’entendre.

 

 La Voix dans le Désert.  Mensuel gratuit du Château d’Argent.

Directrice de publication :  Danielle Vincent.

Editions du Château d’Argent, 185 rue de Lattre de Tassigny, 68160 Ste Marie-aux-Mines.

Mise en page et impression :  ZAPA Informatique.

ISSN : 2650 – 67225.

Dépôt légal :  2e trimestre 2025.