Musée du Chateau d'Argent

Mardi 2 octobre 2018

CHATEAU D’ARGENT
Cycle de conférences 2O18 – 2O19, par Danielle VINCENT
 
« LES GRANDES FIGURES DE LA RESISTANCE ALSACIENNE , 194O - 1945 . »
 
Conférences - Entretiens – Débats
 
Au Château d’Argent, le premier mardi du mois .
 
A partir du mardi 2 octobre 2O18, à 17 heures. Entrée libre.
 
Musée Château d'Argent
Ariel et Danielle Vincent

215, rue Clemenceau, Villa ALICE

68160 Sainte Marie aux Mines 

Alsace - FRANCE

 

Tel. 06 47 14 67 88

     03 89 58 78 18

 

Visite guidée tous les jours

14h à 16h

 
Les conférences paraissent sur internet : www.museechateaudargent.com

«  Château d’Argent : Transmettre le savoir . »

 

En hommage à mes parents et à ceux de mon mari qui, à Schiltigheim et à Ste Croix-aux-Mines, ont accueilli, hébergé, nourri et soigné, des groupes sans cesse renouvelés de prisonniers évadés, et ont assuré leur passage vers la frontière .
 
 
 
Introduction
 
Le bruit avait couru qu’il avait été décapité à la hache. Mais peut-être y avait-il une guillotine dans la prison de Stuttgart où il avait été transféré. En ce 14 avril 1942, à quatre heures du matin, il apprit que sa demande de grâce était rejetée. Il avait dix-huit ans. Il s’appelait Marcel Weinum. En septembre 194O, il avait créé, avec d’autres adolescents, le groupe de résistance appelé La Main Noire. Nous y reviendrons plus loin.
 
La Déclaration des droits de l’homme en 1789, mentionne dans son article 2 :
« Les droits naturels et imprescriptibles de l’homme sont : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
La Constitution du 3 septembre 1791, dont la Déclaration des droits de l’homme est le préambule, affirme aussi que : « la France ne fait pas la paix avec un ennemi qui occupe son territoire. »
Résistance à l’oppression et refus de pactiser avec l’ennemi : des principes séculaires qui dormaient dans la conscience de chacun en ces mois de débâcle française, alors qu’au début de l’été 194O, l’armée allemande déferlait par le nord et l’est, prenant les Français en tenaille aux abords des Vosges , mettant en déroute les alliés anglais, pénétrant à Paris le 15 juin, et en Alsace le 17. Lors de la chute de Dunkerque, le 3 juin 194O, Winston Churchill, premier ministre britannique depuis le mois de mai, déclarait à la Chambre des Communes , alors que son armée venait d’être chassée de France :
« Nous marcherons jusqu’à la fin. Nous nous battrons en France ; nous nous battrons sur les mers et sur les océans ; nous nous battrons dans les airs avec toujours plus de force et de confiance ; nous défendrons nos îles, quel qu’en soit le prix… Nous ne nous rendrons jamais. Et si, ce que je ne crois pas un instant, cette île ou une partie de cette île était subjuguée et affamée, notre Empire d’outre-mer, armé et gardé par la flotte, poursuivra la lutte, jusqu’à l’heure voulue de Dieu où le Nouveau monde s’avancera dans sa puissance et dans sa force, à la rescousse pour la libération de l’Ancien ».
 
Le 7 juin 194O, alors que l’armée allemande, après avoir pris la côte nord, s’avançait déjà sur Amiens, Chalon, Metz et Nancy, une photo montrait le Conseil des ministres parisien sortant d’une réunion en riant. Parmi eux, Paul Reynaud, président du Conseil, et le sous-secrétaire à la défense nationale, Charles de Gaulle. Il est le seul qui ne rit pas. Il a l’air excédé.
Huit jours après, Paris est occupé et Paul Reynaud démissionne. Le gouvernement s’enfuit à Tours, laissant aux Français un profond sentiment de trahison et d’abandon.
Sur les routes : la population à pied, surchargée, fuyant les bombardements des villes, mais livrée aux chasseurs-bombardiers allemands, avec leurs sirènes et leurs descentes en piqué, les Stukas. Sur les routes aussi, les Alsaciens obéissant aux ordres d’évacuation, à deux reprises, en septembre 1939 et en mai 194O. Ils sont 374.OOO en 1939 et 33.OOO en 194O. Sur les routes enfin, les armées françaises, entravées dans ce chaos, et les nombreux fuyards. Il y avait vraiment de quoi rire.
 
Enfin, le 16 juin, après la démission de Paul Reynaud, qui voulait transférer le gouvernement en Afrique du Nord, et continuer la lutte là-bas, un nouveau gouvernement est formé à Bordeaux, avec le maréchal Philippe Pétain à la présidence du Conseil, le général Maxime Weygand à la Défense nationale, l’amiral François Darlan à la Marine, et Paul Baudoin aux Affaires étrangères. Ils s’opposaient tous à la proposition de Paul Reynaud.
 
Le même soir, le ministère Pétain demande à Berlin quelles seraient les conditions d’un éventuel armistice. La réponse arrive le jour d’après.
 
Le wagon dans lequel avait été signé l’armistice du 11 novembre 1918 se trouvait toujours à Rethondes, près de la gare. C’est à cet endroit que l’Allemagne prit sa revanche le 25 juin 194O, date à laquelle l’armistice entrait en vigueur. Les généraux français Charles Hunzinger, de descendance alsacienne, Parisot, Bergeret, et l’ambassadeur de France Léon Noël, ratifièrent les conditions posées par le Reich, en présence du chancelier Hitler, des maréchaux Goering, Roeder, Keitel, von Brauchitsch, von Ribbentrop et de Rudolf Hess, ministre et secrétaire particulier d’Hitler.
Parallèlement, le 24 juin, était signé à Rome un armistice avec l’Italie, qui avait déclaré la guerre à la France le 1O juin.
 
Voici les clauses des deux armistices :
 
Les hostilités doivent cesser en France et dans ses possessions.
Les forces armées sont démobilisées.
Le matériel de guerre doit être livré à l’Allemagne en bon état.
Les avions sont désarmés.
La flotte est désarmée et doit rester dans ses ports d’attache.
Les trois cinquièmes du pays sont occupés par l’armée allemande.
Tous les littoraux du pays se trouvent en zone occupée, sauf le littoral méditerranéen.
La souveraineté française reste entière sur l’ensemble du territoire.
Mais dans la zone occupée, l’Allemagne exerce tous les droits de la puissance occupante.
L’administration française collabore avec elle.
Les frais d’occupation allemande sont à la charge du gouvernement français.
Les prisonniers de guerre restent captifs jusqu’à la conclusion de la paix.
Une bande de 5O km le long de la frontière franco-italienne est démilitarisée, ainsi que les ports de Toulon, Ajaccio, Bizerte et Mers-el-Kébir.
La démobilisation de l’Afrique du Nord s’effectue sous contrôle italien.
 
Ce que l’on n’a pas voulu avouer par la suite, c’est que ces accords avaient suscité un immense soulagement dans la population. La paix était revenue ; il n’y aurait plus de nouveaux prisonniers de guerre ; un gouvernement français était quand même maintenu ainsi qu’une armée de 1OO.OOO hommes ; près de la moitié du territoire, ainsi que la flotte et l’empire colonial étaient sauvés .
 
Mais c’était une vision à court terme, et c’était sans compter avec le caractère et les ambitions imprévisibles du chancelier d’Allemagne.
 
Le sort de l’Alsace ne semblait pas préoccuper les signataires de ces accords. Pour la population française, ce n’était pas le souci majeur, d’autant plus que la position des Alsaciens restait ambiguë, comme elle l’ avait été en 1918.
 
Une semaine avant la rencontre de Rethondes, à Londres, le sous-secrétaire d’Etat et général de Brigade Charles de Gaulle, dont on s’était tellement moqué dans les Etats-majors et au gouvernement, à cause de ses idées progressistes, jugées inutiles et inapplicables, reprenait à son compte la vigoureuse protestation de Churchill et l’appliquait à la nation française. Il a dû répéter son appel à plusieurs reprises à la radio de Londres, car peu de gens l’avaient entendu et on lui avait fait, depuis longtemps, une mauvaise réputation politique.
 
Il n’est pas inutile de rappeler ces événements, car ils ont contribué à former le terreau idéologique de la résistance française et alsacienne.
 
Cependant, la résistance alsacienne à l’hégémonie allemande ne datait pas de ce jour.
Dès la signature d’un armistice provisoire, le 28 janvier 1871, lors de la capitulation de Paris, les Alsaciens avaient élu, à la nouvelle assemblée nationale de Bordeaux, des députés favorables à la poursuite de la guerre et au maintien de l’Alsace dans la patrie française. Ce fut l’objet, le 17 février 1871, de la protestation de 22 députés alsaciens et lorrains, dont le maire Kuss de Strasbourg. Adolphe Thiers, chef du gouvernement, s’apprêtait à signer le 1O mai 1871, le Traité de Francfort qui mettait fin à la guerre sous la condition que l’Alsace redevienne allemande.
La Protestation des députés francophiles, menés par Léon Gambetta, député dès 1869, fut lue à l’Assemblée nationale de Bordeaux le 1er mars 1871, et comporte cette phrase qui devait traverser le siècle : « Nous déclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement ».
 
Peine perdue. Le 26 février 1871, les préliminaires de paix , comportant l’acceptation de l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace et d’une partie de la Moselle, sont ratifiés à l’Assemblée nationale par 83% de oui.
 
Le traité de Francfort du 1O mai 1871, entérine la cession au Reich de la totalité de l’Alsace , hors le territoire de Belfort, la majeure partie de la Moselle et des arrondissements de Château-Salins et de Sarrebourg, ainsi que le canton de Schirmeck et la majeure partie du canton de Saales.
 
Différemment du statut donné à l’Alsace en 194O, où, rattachée au Gau Oberrhein, elle devient un Land de l’Allemagne, Bismarck fit promulguer, le 9 juin 1871, une loi définissant le statut juridique de l’Alsace : elle est réduite à n’être qu’une « terre d’Empire » (Reichsland), mais ne peut être considérée comme membre à part entière de la Fédération des Etats allemands. Elle ne sera représentée ni à l’Assemblée d’Empire (Reichstag), ni au Conceil régional.
 
Les maires de Strasbourg et de Colmar refusent l’annexion, de même que la Ligue d’Alsace et le Parti alsacien. Le maire de Strasbourg est démis de ses fonctions car il refuse de prêter serment au Reich.
 
Le traité de Francfort, en son article 2, avait donné aux Alsaciens le choix de garder la nationalité française. Mais ils devaient alors quitter le territoire annexé, ce qui signifiait quitter sa terre natale sans pouvoir y revenir, sa maison et une partie de sa famille, ses amis et ses biens et aussi son travail. Le choix devait être fait avant le 3O septembre 1872.
 
128.OOO Alsaciens-Lorrains (8,5 % environ de la population), dont 5O.OOO jeunes gens de 17 à 2O ans choisirent la nationalité française. Il faut noter que 7O.OOO d’entre eux allèrent s’installer en Algérie. En quarante ans, jusqu’au début de la première guerre mondiale, les statistiques d’internet nous révèlent que 26O.OOO Alsaciens-Lorrains émigrèrent vers les régions industrialisées françaises ( soit 6,9% d’une population de 1.8OO.OOO habitants), et 33O.OOO partirent aux Etats-Unis. Toujours selon internet, 4OO.OOO Allemands s’installeront pendant cette période en Alsace-Lorraine.
 
En 194O, l’Alsace est intégrée à part entière au troisième Reich. Ceux qui refusent ce statut sont poursuivis et condamnés. Leur famille est inquiétée en envoyée en camp de travail ou de rééducation. La résistance alsacienne sous l’annexion nazie prend alors une autre tournure que sous Bismarck.
 
On a pu le voir à toutes les époques, depuis les martyrs chrétiens jusqu’aux résistants de la France libre : quels que soient les risques, la conscience humaine revendique le droit à l’insoumission et ne craint pas de payer cher, jusqu’au prix de la torture et de la vie, l’affirmation de ses convictions et sa fidélité à un idéal.
 
Nous aborderons le mardi 6 novembre prochain, de 17h à 19h, l’une des premières grandes figures de la résistance alsacienne : Laure Diebold.
 
 
 
Danielle Vincent
1er octobre 2O18.