Musée du Chateau d'Argent

Samedi 7 septembre 2019

CHATEAU D’ARGENT

Séminaire d’été à la Scierie-musée Vincent
 
Cycle de conférences sur Albert Schweitzer
 

Samedi 7 septembre 2O19 :   Albert Schweitzer, musicien.

Introduction:
 
Le jeune Albert avait été mis très tôt en contact avec la musique. Son père étant pasteur à Gunsbach, il entendait l’orgue du village tous les dimanches en assistant au culte. Il en a été imprégné. Dès l’âge de trois ou quatre ans, son père lui donne des cours de piano sur le vieux piano droit du presbytère. Mais, comme tous les enfants, Albert n’aime pas faire des exercices. Il passe son temps à improviser. Son institutrice, à l’école primaire, ne sachant tapoter qu’avec un doigt sur le clavier pour accompagner le chant des élèves, Albert lui montre comment harmoniser une mélodie et s’en veut ensuite terriblement de l’avoir humiliée.
Il se met déjà à l’orgue à l’âge de neuf ans, quand il peut remplacer Monsieur Iltis à l’orgue de Gunsbach.
Lorsque, pour ses études secondaires, il va au lycée de Mulhouse, en pension chez tante Sophie et oncle Louis, il est astreint à faire son piano tous les jours après le repas de midi, et tous les soirs après ses devoirs de classe. Il n’aime toujours pas faire ses gammes, et passe ces moments encore à déchiffrer divers morceaux et à improviser des accompagnements.
Il est le désespoir de son professeur de piano, Eugène Munch, qui disait : « Albert Schweitzer est mon cauchemar ». Non seulement parce qu’il n’est pas docile, mais surtout parce qu’il se cache derrière une carapace de timidité. Il se gène de montrer ses sentiments et interprète les morceaux romantiques avec froideur comme un automate.
Jusqu’au jour où son professeur lui fait une scène. Alors il se réveille et piqué au vif, décide de lui montrer ce dont il est capable. La fois suivante, il interprète une romance de Mendelssohn avec tant de sentiment, qu’Eugène Munch le découvre enfin et le dirige sur Bach et aussi sur l’orgue de l’église protestante St Etienne de Mulhouse. Trois claviers, soixante deux jeux, et le pédalier sur lequel il peut s’exercer pour la première fois. Son professeur est toujours Eugène Munch, qui était organiste à St Etienne de Mulhouse.
A seize ans, Albert peut déjà jouer l’orgue pendant le culte, et accompagner à l’orgue le Requiem de Brahms. Dès lors, sa carrière musicale ne s’arrêtera plus et il donnera près de cinq cents concerts dans le monde entier.
Sa sensibilité musicale était telle, que déjà à l’école, lorsqu’il entendait chanter un choral, il frémissait tout entier. Au son des instruments à vent, il est près de s’évanouir. Evidemment, il s’est passionné pour les plus grands : Jean-Sébastien Bach et Richard Wagner.
 
Première partie : Jean-Sébastien Bach.
 
Deux éditions d’une étude approfondie sur Jean-Sébastien Bach avaient paru, sous la plume d’Albert Schweitzer: l’une en français, préfacée par Charles-Marie Widor, à Paris en 19O5, de 455 pages; l’autre en allemand, entièrement refondue, chez Breitkopf und Haertel à Leipzig en 19O8, de 844 pages. Cette édition allemande a été traduite en anglais par Ernest Neumann, et a paru en deux volumes à Londres en 1911, ainsi qu’à New-York en 1947.Ces ouvrages ne prétendaient pas être une nouvelle biographie de J.S.Bach, mais une introductionà sa musique et à son interprétation, ce qui manquait à l’époque en France(Ma vie et ma pensée, p.73).
Schweitzer avait trente ans lorsqu’il publia son ouvrage en français. Il était organiste à l’église St Guillaume, à Strasbourg, et faisait partie de la Société Bach de cette paroisse, société qui avait été fondée par Ernest Münch, son prédécesseur à ce poste d’organiste.
 
Albert Schweitzer avait pu acheter à bon prix les œuvres complètes de J.S.Bach, publiées à Leipzig, pour mener à bien son travail.
Il avoue qu’il avait eu du mal à rédiger son premier travail en français. Il avait conscience que la musique de Bach était pour ainsi dire ignorée en France et il s’était donné pour mission de la faire comprendre autant que possible. La terminologie purement rationnelle de la langue française lui posait des limites, et c’est quand il a refondu son livre en allemand, qu’il a pu disposer d’un répertoire de langage beaucoup plus étendu et plus riche d’expression, ce qui a fait que son livre a pratiquement doublé de volume.
Nous pensons personnellement que peu de musiciens ont approuvé cette initiative de vouloir traduire la musique par des mots. Il avoue lui-même qu’il avait « à lutter contre la difficulté de traduire en mots des opinions et des impressions artistiques ». L’auteur pense qu’un écrit sur l’art doit être traduit par des expressions imagées. Nous ne partageons pas ici l’avis de Schweitzer, car il nous semble que la musique ne peut se traduire que par des sentiments. Elle doit être ressentie, pas expliquée.
Il avait rédigé la version française sur l’instigation de son ami Charles Marie Widor, qu’il avait rencontré douze ans auparavant, en 1893, par l’intermédiaire de Mathilde Schweitzer, sa tante par alliance qui habitait à Paris.
Mais c’est en Allemagne que son livre a vraiment été apprécié « comme une contribution de valeur sur Bach » (op.cit.p.75), et qu’on lui a demandé alors d’en établir une version allemande. Il mettra deux ans à la terminer. Car, pendant la même période, il fait ses études de médecine , donne des cours à la Faculté de théologie, poursuite son activité de prédicateur et donne encore des concerts d’orgue.
 
Schweitzer veut transmettre à sa génération le portrait d’un Bach plus romantique, plus peintre et poète qu’on ne l’avait admis jusque-là.
Les œuvres du Cantor avaient été oubliées jusque vers le milieu du 19e siècle, et révélées grâce à l’édition complète qui en avait été faite par la Société Bach de Leipzig. Philippe Spitta les avait présentées dans son ouvrage comme le sommet de la musique classique, une musique d’une mathématique parfaite. En revanche, la musique romantique comme celle de Beethoven ou de Berlioz, n’était pas comprise, mais interprétée comme un déclin. La
référence, l’étalon-or de la vraie musique, était, pour les critiques musicaux, le dix-huitième siècle. Le public, par contre, a toujours un temps d’avance, et l’on sait qu’on acclamait debout, en pleurant, la Neuvième ou la Tétralogie.
Schweitzer, le premier parmi les critiques musicaux, essaie de démontrer que Bach annonce déjà le romantisme par ses couleurs musicales évocatrices (« Trinket alle daraus… »), son pathos (« Herr, bin ichs, bin ichs… ? »), les émotions intenses qu’il suscite (« Jesus bleibet meine Freude… ». Pour Schweitzer, les deux sommets de toute l’histoire de la musique sont Bach et Wagner : l’un et l’autre arrachent l’esprit à cette terre et le propulsent dans un monde surnaturel. En bon Protestant, Schweitzer ne parle jamais du plain-chant, ce chant grégorien qui a été toujours considéré comme étant, lui, le sommet de la musique.
 
Bach, dit notre auteur, est le plus souvent mal interprété. S’il a des points communs avec Wagner, il ne peut en tout cas pas être interprété de la même façon. Il ne doit pas être chanté avec des chœurs et un orchestre trop étoffés. Il ne doit pas faire de bruit : trente à quarante voix et autant d’instruments sont juste la bonne mesure.
 
Il est important aussi que Bach soit interprété avec des voix masculines exclusivement ; même le soprano et l’alto doivent être chantés par des hommes ou de jeunes garçons. Le Cantor n’avait jamais utilisé des voix féminines ; Il est vrai qu’elles ne tiennent pas autant la pureté de la ligne mélodique. Ce qui va pour un opéra italien ou pour Mozart (dont Schweitzer ne parle jamais), ne va pas pour une cantate ou une passion. On se souvient de la beauté unique des haute-contre du dix-huitième siècle, aussi chez Haendel, à laquelle nulle voix de femme n’a jamais pu atteindre. On l’appelait : « la voix de l’ange ».
 
Voici maintenant le rythme de l’interprétation. « On joue toujours Bach trop vite » (op.cit. p. 79). Jusqu’au dix-neuvième siècle, on jouait Bach en staccato, au clavecin en tout cas ; à l’orgue, la question est posée. Il était impossible alors de jouer très vite. De toute façon, les touches de l’orgue étaient si dures à enfoncer à cette époque, qu’ « un bon moderato était déjà une prouesse ». Au clavecin, un rythme plus rapide était possible, mais ne s’accordait alors pas toujours avec la mise en valeur des accents et du phrasé. Schweitzer reconnaît que l’orgue contemporain de Bach n’était pas l’idéal, mais n’était que le précurseur des orgues véritablement belles du 18e et d’une partie du 19e siècles.
 
En Allemagne, les positions de Schweitzer sur la musique et l’interprétation de Bach furent bien accueillies ; c’était comme si on les attendait : « Mon livre formula pour la première fois avec netteté ce que les musiciens et les interprètes de Bach avaient plus ou moins dansl’esprit, et il me valut beaucoup d’amis » (op.cit. p. 8O), notamment le chef d’orchestre de l’opéra de Bayreuth Félix Mottl, et le chef de la philharmonie de Berlin Siegfried Ochs.
 
 
Deuxième partie : L’orgue.
 
Schweitzer se passionne pour la construction des orgues.
Il sort une étude en 19O5 sur le sujet. Son intérêt est suscité paradoxalement par une déception. Il est irrité en écoutant les orgues contemporaines, construites à la fin du dix-neuvième siècle, qui suscitaient pourtant l’enthousiasme général. Par exemple, l’orgue de la Liederhalle de Stuttgart, nouvellement construit, et qu’il visite en 1896, l’affole par ses sons creux et le chaos que produit l’interprétation d’une fugue de Bach, où l’on ne parvient même plus à distinguer les diverses phrases musicales. Pour lui, l’orgue moderne est un retour en arrière.
Il se met alors à examiner pendant les années qui suivent, toutes les orgues modernes et anciennes qu’il peut visiter, et y consacre ses loisirs.
La conclusion qu’il en tire, c’est que l’orgue antérieur à 188O avait un son nettement plus beau. Mais Schweitzer est l’un des seuls à le penser : tout le monde se moque de lui.
 
La raison de cette supériorité sonore des anciennes orgues est qu’elles étaient situées à des endroits plus propices : au-dessus de l’entrée principale, face au chœur, à condition que la nef ne soit pas trop longue. Si elle l’est, l’orgue doit être placé en hauteur sur le côté, commec’est par exemple le cas dans la cathédrale de Strasbourg.
Jamais un orgue ne doit être placé au niveau du sol, ni dans le chœur. Les architectes modernes, dit-il, logent l’orgue ‘dans n’importe quel trou », ou même en plusieurs endroits, en le fractionnant. Or l’orgue n’a véritablement d’effet acoustique et majestueux que lorsqu’il constitue une seule et même personnalité sonore, et baigne la nef tout entière (op.cit. p. 85).
A son avis, l’orgue construit par Aristide Cavaillé-Coll à St Sulpice de Paris est le plus beau. Il a également construit celui de Notre-Dame de Paris, mais celui-ci a subi beaucoup de dommages par la guerre .
En règle générale, les orgues françaises, fidèles à l’ancienne tradition, sont les meilleures.
 
Mais notre auteur estime aussi certaines orgues d’Allemagne : celles construites par Ladepast et par Walcker, respectivement dans le nord et le sud du pays. Les plus belles orgues, et les plus beaux buffets se trouvent en Hollande.
Jusqu’en 188O environ, les constructeurs d’orgues étaient des artistes. Après, ils sont devenus des fabricants et on a fait passer l’intérêt commercial avant l’intérêt artistique ou musical.
 
Ce qui révolte surtout Schweitzer, c’est que l’on démonte, « dans un aveuglement incroyable » de belles orgues anciennes, pour les remplacer par des orgues de fabrique.
S’agissant de « belles orgues anciennes », Schweitzer ne cite pourtant jamais le nom de Silbermann. André et Jean-André Silbermann avaient construit quatre-vingt onze orgues en Alsace, dans la seconde moitié du 18e siècle. Nous en dressons un aperçu dans les notes de cette conférence, et verrons que la presque totalité des orgues Silbermann a été soit détruite, soit déménagée, soit remplacée par des instuments plus modernes . Très peu sont restés en leur lieu d’origine et ont alors été classés au patrimoine. Même celui de la grande nef de la cathédrale de Strasbourg, construit en 1716 par André Silbermann, a été remplacé en 1897 par un orgue Heinrich Koulen. Celui de l’église St Guillaume de Strasbourg berceau de l’activité musicale des Munch, a été construit par André Silbermann en 1723, et remplacé en 1898 par un orgue Walcker.
Ne subsistent dans leur église d’origine que l’orgue d’André Silbermann à Marmoutier (171O), de l’église St Cyriaque d’Altorf près de Molsheim, de l’abbaye d’Ebersmunster, etde l’église St Pierre et Paul de Rosheim, tous monuments historiques à présent.
Les orgues construits par Jean-André Silbermann, le fils aîné d’André, ont subi une véritable razzia. Seuls subsistent dans leur lieu d’origine, celui de l’église St Thomas à Strasbourg (1741), de Soultz (175O), de l’église St Georges de Châtenois (1765), de l’église St Blaise à Blodelsheim (1779), de l’église Ste Trinité de Molsheim (1781), et de l’église protestante de Gries (1781). Ces instruments ont tous été classés aux monuments historiques.
Etait-ce pour la préservation de ces orgues-là que Schweitzer s’était battu ? Pourtant il n’en parle jamais. Ou bien, ces instruments n’ont-ils été appréciés et mis au pinacle que beaucoup plus tard ?
Ses investigations amènent l’auteur à rédiger, pour le 1er congrès de la Société internationale de musique, tenu à Vienne en mai 19O9, un « Règlement international pour la facture
d’orgues » (« Internationales Regulativ für Orgelbau »), en collaboration avec l’abbé Xavier Matthias. Cette édition franco-allemande paraît à Strasbourg et à Vienne en 19O9.
 
Notre ami parle en connaissance de cause : il a consacré des années, de nombreuses nuits et beaucoup de voyages à l’étude des orgues. « J’ai écrit des centaines de lettres à des évêques, des doyens de chapitres, des présidents de consistoire, des maires, des pasteurs, des conseils de fabrique, des facteurs d’orgues et des organistes ; tantôt pour les persuader de restaurer un bel orgue ancien au lieu de le remplacer par un nouveau ; tantôt pour les supplier de ne pas penser au nombre, mais à la qualité des jeux ; et d’employer à l’acquisition des meilleurs matériaux pour les tuyaux, l’argent qu’ils destinaient à la console » (op.cit. p. 89).
Et, poursuit-il : « Que de fois toutes ces lettres, tous ces voyages et ces consultations n’ont servi à rien »… parce qu’on optait pour le moins cher et le tape-à-l’œil !
Parmi les orgues anciennes qu’il a sauvées, ilfaut citer l’orgue Silbermann de l’église St Thomas de Strasbourg. « mais avec quelles peines ! » dit-il (op.cit. p. 9O). Il avait été aidé en cela par le facteur d’orgues alsacien Frédéric Haerpfer, spécialiste des orgues Silbermann.
« La lutte pour le bel orgue est pour moi une forme de lutte pour la vérité… Car l’orgue a en soi quelque chose d’éternel » dit-il en conclusion (op.cit. p. 92).
 
Parmi tous les dons qui avaient été déposés dans le berceau du petit Albert à sa naissance, c’est certainement la sensibilité musicale qui lui a réservé le plus grand bonheur : « Personne
n’a jamais ressenti Bach autant que moi » disait-il. La musique était, de toutes ses activité si nombreuses, celle qui l’a mis le plus sûrement en contact avec le monde surnaturel. On n’est plus le même lorsqu’on redescend des sommets où vous a élevé l’auteur des Passions. Car on a contemplé des choses éternelles. C‘est ce qui est exprimé par l’Amen de la messe en si mineur, où s’ouvrent successivement les sept cieux, jusqu’à la rencontre avec Dieu. La mort, alors, devient une attente pleine de joie, et la vie, qui est le thème central de la pensée de Schweitzer prend alors, par la musique, une autre dimension, une ampleur surnaturelle. Au final, le « respect de la vie » devient l’exaltation de la vie éternelle, la vraie vie, en somme, à laquelle doit tendre chaque être humain. « Ehrfurcht vor dem Leben » n’est plus ici un devoir moral  c’est un message, un appel de l’au-delà, l’appel du pasteur qu’est resté Albert Schweitzer et qu’il fait passer non plus avec des mots, mais avec un autre langage, universel, cosmique peut-être, celui de la musique.
 
Et nous souhaitons terminer le voyage qui nous a été permis de faire lors de ce séminaire d’été sur la pensée d’Albert Schweitzer, sur ppùses sermons et son activité musicale, par le choral que chante le public, debout, et souvent en pleurant, à la fin d’une Passion de Bach, tous les ans, le Vendredi saint à l’église St Nicolas  de Strasbourg :
 
« Bist Du bei mir, geh’ ich mit Freude
Zum Sterben und zu meiner Ruh !
Ach wie vergnügt wär’ so mein Ende
Es drückten Deine schönen Hände
Mir die getreuen Augen zu !“
 
(J.S.Bach, Choral BWV 5O8).
 
 
D.Vincent.
 
 
Notes:
 
Eugène Munch :
Est né à Dorlisheim en 1857. Il était le frère d’Ernest Munch et le père de Jean et de Charles Munch. Formé au conservatoire de Berlin, il était ensuite titulaire de l’orgue de l’église protestante St Etienne de Mulhouse. C’est lui qui a formé Albert Schweitzer, alors âgé de quatorze ans, au piano et à l’orgue. Il a fondé en 1887 la Société Bach de l’église St Guillaume de Strasbourg, où il était alors organiste.
 
 Charles-Marie Widor:
Né à Lyon en 1844, il remplace son père organiste à St François de Sales de Lyon dès l’âge de onze ans. Il fait ses études à Bruxelles et s’installe à Paris vers 1865, où il tient les orgues de Ste madeleine avec Camille Saint-Saens. En 187O il est nommé suppléant à l’orgue Cavaillé-Coll de l’église St Sulpice ; il y restera pendant soixante quatre ans, mais ne sera jamais titularisé à ce poste. Il succède à César Franck comme professeur d’orgue et de
 
composition musicale au Conservatoire de Paris, en 189O, et compte parmi ses élèves des noms qui deviendront prestigieux : Louis Vierne, Marcel Dupré, Arthur Honegger, Darius Milhaud et Albert Schweitzer.
Widor fait découvrir à la France les œuvres de J.S.Bach. Mais c’est aussi lui qui instille à ses élèves le poison de la rationalisation de la musique, dont, comme nous l’avons relevé, Albert Schweitzer a été contaminé. Une œuvre doit alors être exécutée comme un devoir de géométrie, et la musique de Bach n’est plus qu’une mathématique parfaite. On est ici aux antipodes du sentiment musical germanique, que Widor n’appréciait pas.
Widor , chevalier puis officier de la Légion d’honneur, fait des tournées de concert dans de nombreux pays, même en Russie, et jusqu’à l’âge de quatre-vingt dix ans. Il a écrit une centaine d’œuvres allant de la musique de chambre aux concertos , dix symphonies pour orgue et un opéra. Ses morceaux pour orgue exigent une grande virtuosité : il faut citer notamment la Toccata de la symphonie n°5, la Marche pontificale de la première symphonie, l’Allegro ouvrant la symphonie n° 6.
Ses orgues de prédilection étaient les Cavaillé-Coll, répandus dans toute la France et dont il a inauguré quelques-uns.
 
 Les œuvres musicologiques d’A.Schweitzer :
- Une plaquette de 33 pages sur Eugène Munch, 1857-1898 (Mulhouse, éd. J.Brinkmann), qui est sa première publication .
- Jean-Sébastien Bach, le Musicien-poète. Préface de Ch.-M.Vidor (Paris, 19O5).
- Johann-Sebastian Bach ( Ed. Breitkopf u.Haertel, Leipzig,19O8. Wiesbaden,1947).
Traduction anglaise par Ernest Newmann (London, 1911. New-York, 1947).
- Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst (Leipzig, 19O6).
- Règles internationales pour la construction des Orgues (Internationales Regulativ für Orgelbau), en collaboration avec l’abbé Xavier Matthias (Vienne et Strasbourg, 19O9).
- Préludes et Fugues pour orgue de J.S.Bach. Edition critique avec des indications pratiques pour l’exécution de ses œuvres. En collaboration avec Ch.M .Vidor. Vol. I à V  ( New-York, éd. Schirmer, 1911-1914).
- Vol. VI : J.S. Bach, Chorals. En collaboration avec Edouard Nies-Berger  et avec introduction consacrée aux ornements musicaux dans chez Bach ( Ibid. 1954)
 
 Philippe Spitta  (1841 – 1894) :
Fils du théologien protestant Philipp Spitta (18O1-1859), et frère du théologien et musicologue Friedrich Spitta. Musicologue allemand, il est surtout connu pour sa biographie exhaustive de J.S.Bach (1873 – 188O, 1962 en rééd.). Il est nommé en 1875 professeur d’Histoire de la Musique à l’université de Berlin.
Son œuvre s’étend aussi à d’autres musiciens comme Dietrich Buxtehude, Orguelwerke (Leipzig, 1876-1877), Heinrich Schütz, Sämtliche Werke (Leipzig 1885-1894), ainsi qu’aux œuvres musicales du roi de Prusse Frédéric le Grand (1712-1786) : Musicalische Werke (Leipzig, 1889).
 
Plain-chant :
Le Plain-Chant est une musique vocale à une seule voix, sans accompagnement instrumental, sans modulation harmonique et sans division ni mesure, d’où son qualificatif de « Cantus planus » (sans rupture ni altération).
Le Chant grégorien, attribué à la réforme liturgique de Grégoire le Grand (pape de 59O à 6O4), est apparu en réalité à l’époque carolingienne, et est une des expressions du Plain-Chant.
 
 Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899) :
Né à Montpellier dans une famille de facteurs d’orgue, il vient à Paris en 1833 et installe son atelier Avenue du Maine. Il termine en 1841 la construction du grand orgue de l’Abbaye royale de St Denis, qui est un instrument novateur avec « jeux harmoniques, récit expressif, pressions multiples » (Wikipedia). Avec son père Dominique-Hyacinthe et son frère Vincent, il construit cinquante cinq orgues à Paris, trois cents en France, et près de cinq cents orgues dans le monde entier, jusqu’en Chine, en Inde, en Amérique du Nord et du Sud.
Mais ni en Alsace, ni en Allemagne. Il a été fait chevalier puis officier de la Légion d’honneur.
 
Eberhard Frierich Walcker (1794-1872) :
Son père Johann Eberhard Walcker (1756-1842) fonda la maison Walcker à Canstatt, au nord de Stuttgart.
Eberhard Friedrich, lui, s’installe à Ludwigsburg non loin de là, en 182O.
En 1833, il construit le grand orgue de l’église St Paul de Francfort, ce qui lance sa notoriété.
L’atelier de Ludwigsburg, toujours en activité, a construit des milliers d’orgues dans le monde entier.
En Alsace, citons l’église de Hussern-Wesserling ; St Etienne de Mulhouse (protestante) ; St Georges de Haguenau ; l’église protestante de Munster ; St Maurice de Pfastatt ; l’église protestante d’Oberhausbergen ; St Paul, St Guillaume et St Pierre le Vieux à Strasbourg ; l’église protestante de Saverne ; l’église protestante de Dorlisheim ; l’église protestante de Woerth.
 
 Silbermann:
Les Silbermann formaient une grande famille de facteurs d’orgue au 18e siècle.
- André (1678-1734) est venu de Saxe en Alsace en 1699.
- Gottfried (1683-1753) s’installa en Saxe et eut des contacts avec Jean-Sébastien Bach.
- Jean-André (1712-1783), fils aîné d’André, reprit l’affaire familiale en Alsace et y construisit cinquante sept instruments, mais aussi en Allemagne et en Suisse.
- Jean-Daniel (1717-1766) , a développé son activité en Saxe auprès de son oncle Gottfried.
 
La famille Silbermann a réalisé quatre-vingt onze instruments.
(Nous tirons ces données d’internet).