Musée du Chateau d'Argent

Journal mai 2019

 

L A   V O I X   D A N S   L E   D E S E R T

Mensuel du Château d’Argent  -  N° 2    Mai  2O19

 

La Résistance alsacienne : Joseph Rossé et les Editions Alsatia.
 
Résumé de la conférence du 5 mars 2O19 donnée par Danielle Vincent dans le cadre des « Grandes figures de la résistance alsacienne, 194O-1945 », en présence de Monsieur Alphonse Jenny, maire honoraire de Kintzheim, Chevalier des Arts et Lettres.
 
Une étude extrêmement documentée sur la vie et l’action de Joseph Rossé (1892 – 1951), a paru aux éditions Yoran, en 2O16, sous la plume de l’historien Michel Krempper, avec une introduction d’Andrée Munchenbach : Joseph Rossé, Alsacien interdit de mémoire.
Ce livre réussit à mettre en valeur le rôle éminemment positif de ce personnage sous l’occupation, même en se prêtant à un double jeu de circonstance, à l’instar d’Oskar Schindler. Joseph Rossé, fervent autonomiste, député avant la guerre, directeur de la maison d’édition Alsatia, ayant réussi à mettre dans sa poche les autorités nazies , avait sauvé de la déportation et de la mort des centaines de personnes, et doit être classé parmi les grands résistants alsaciens au nazisme .
Né à Montreux- le -Vieux en 1892, sous le régime allemand, il prend d’importantes responsabilités dans le cadre de son activité d’enseignant : il s’engage dans l’Association des instituteurs catholiques d’Alsace, et participe dès 1919 à la rédaction de l’Elsässer Kurrier de l’abbé Xavier Haegy, patron du groupe de presse Alsatia, ainsi qu’à la Revue scolaire d’Alsace et de Lorraine, revue bilingue éditée par la Société d’édition de Haute-Alsace, puis par l’Alsatia.
Dès 1925, il engage un bras de fer au sujet du statut scolaire de l’Alsace, qu’Edouard Herriot voulait niveler sur celui du reste de la France. Le rattachement de l’Alsace à la France le déçoit profondément et il partage le « malaise » de la plupart des Alsaciens après 1918. Sa réaction, lors d’un discours du 13 décembre 1925, peut expliquer ses sympathies autonomistes et même ses erreurs de jugement de 194O : 
« La République française n’est pas une démocratie mais une oligarchie, qui a substitué au régionalisme une centralisation absurde ».
En 1926, il milite pour une alliance qui était jusque-là impensable : l’Einheitsfront, constitué par les Communistes et les Autonomistes cléricaux. Il collabore au journal du Dr Eugène Ricklin : « Die Zukunft », en 1925 et au « Heimatbund » fondé le 24 mai 1926. Ces initiatives lui valent d’être révoqué de la fonction publique en 1926.
Il poursuit cependant ses innovations et crée en 1927 une Caisse de solidarité pour les entreprises alsaciennes et pour les enseignants, ainsi qu’une Caisse de maladie et une Caisse pour les orphelins.
Il devient rédacteur en chef des Editions Alsatia en septembre 1926, succédant aux abbés Emile Wetterlé , Xavier Haegy et Fashauer. Ses débuts sont difficiles, car il doit soutenir la concurrence de plusieurs journaux nationaux, dont les Dernières Nouvelles de Colmar et de Strasbourg, dirigées à l’époque par les Loges maçonniques hostiles à l’autonomisme alsacien.
Plusieurs fois député avant la guerre, Joseph Rossé est arrêté en octobre 1939 par la police française avec plusieurs autres autonomistes, pour espionnage et séparatisme. Ils sont emprisonnés et jugés à Nancy. L’Etat français les livre aux allemands qui les ramènent en Alsace .
 
Une page se tourne ici dans la vie de Joseph Rossé. Il se laisse éblouir et influencer. Il signe le Manifeste des trois Epis, le 17 juillet 194O, qui demande au gouvernement nazi, sur l’instigation de Robert Ernst, le rattachement de l’Alsace à l’Allemagne. Il obtient ainsi le soutien total du pouvoir et peut réintégrer ses fonctions au sein de l’Alsatia.
Cette période de sympathie nazie ne va durer que cinq mois, mais elle suffit à entacher la réputation du personnage. Lors d’un séjour à Berlin, en novembre 194O, Joseph Rossé est choqué par l’image qu’il rencontre du nazisme. Sans rien laisser paraître, les amitiés d’outre-Rhin étant utiles à ses affaires, il se détache intérieurement du régime et revient à ses convictions autonomistes.
Sous sa direction, les Editions Alsatia publient clandestinement plus de deux millions d’exemplaires d’œuvres de spiritualité d’auteurs allemands, et aussi, au moyen de la filiale parisienne, des livres en français qu’il fait rapatrier en Alsace. Jouant un parfait double-jeu, Rossé publie aussi quelques fers de lance nazis, pour tromper l’ennemi.
Il utilise ses bonnes relations pour couvrir une activité de résistant classique : il intervient en faveur des personnes et des familles en difficulté, sauve de la déportation et de la mort des centaines d’Alsaciens arrêtés par la gestapo, des membres de congrégations religieuses, et des personnalités dont le député et sous-secrétaire d’Etat Robert Schumann, ou le sénateur Médard Brogly. Il envoie aussi des milliers de livres aux prisonniers français dans les camps, selon son propre témoignage. Il embauche à l’Alsatia des journalistes juifs : « Derrière un paravent de relations absolument correctes avec l’administration, j’ai pu réaliser et mener à bien un vaste programme d’opposition » écrit-il. Il avait adopté, avec sa femme, un bébé de trois mois qui se révéla être handicapé mental. Il se dévoua pour lui jusqu’à ses vingt-deux ans. Cette seule action montrait bien qu’il ne partageait pas l’idéologie eugéniste nazie.
Début février 1945, il se met à la disposition des Français et commence à subir le scandale de l’épuration et l’arbitraire des tribunaux de la libération. Il est condamné à quinze ans de travaux forcés, est trimballé de prison en prison et meurt le 24 octobre 1951, épuisé et écoeuré.
S’il avait su que, suprême trahison et suprême scandale, un gouvernement français, soixante cinq ans plus tard, allait finalement rayer l’Alsace elle-même de la carte de France !            D.V.
 
Mes conseils de santé : insomnies.
Il est trois heures du matin et vous comptez toujours les moutons ? Pas de panique. Surtout n’avalez pas de médicament. Levez-vous, faites quelques pas, respirez pour vous oxygéner. Puis recouchez-vous. N’essayez pas de dormir, ne dramatisez pas, dites-vous que ce n’est rien du tout. Par contre, observez longuement les mouvements de votre respiration, de votre cage thoracique et les battements de votre cœur. Concentrez-vous là-dessus… Tiens, il est sept heures ! Vous avez dormi !         D.V.
 
La phrase du mois :
« La recherche de la vérité nécessite de faire table rase des idées reçues et des clichés véhiculés par l’histoire officielle »
(Bernard Wittmann, Jean Keppi 1888-1967: une histoire de l’autonomisme alsacien. Ed.Yoran, 2O14, p. 12).

 

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