Musée du Chateau d'Argent

Mars 2018 - Réflexions bibliques

 

Château d’Argent
 
Formations continues:  Mars 2018
 
Réflexions bibliques
 
Matthieu 16 / 15 – 2O :
 
15. Et vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis ?
16. Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.
17. Jésus, reprenant la parole, lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux. 
18. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle.
19. Je te donnerai les clés du royaume des cieux ; ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.
2O. Alors il recommanda aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ. »
 
Il faut ici d’abord expliquer quelques termes :
 
Le nom de Pierre a été donné par Jésus à Simon au moment où il établit le collège des apôtres, un moment solennel, qui se passe sur une montagne :
« Il monta ensuite sur la montagne ; il appela ceux qu’il voulut, et ils vinrent auprès de lui.
Il en établit douze, pour les avoir avec lui, et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir de chasser les démons.
Voici les douze qu’il établit : Simon, qu’il nomma Pierre (…)  ». (Marc 3 / 13-16 ss).
L’Evangile de Matthieu ne dit pas que c’est Jésus qui a donné le surnom de Pierre à Simon. Il laisse croire que Simon portait déjà ce surnom avant (Mt 4/18 ; 1O/1).
 
Le mot : « Képhas » n’existe pas en hébreu. Il est tiré de l’araméen. En hébreu, le terme qui désigne la pierre, le rocher, le caillou ou la pierre précieuse est :  ébèn.
Le surnom araméen de Képhas a été traduit en grec par :  Petros.
Il semble donc, dans l’Evangile de Matthieu, que Jésus utilise un surnom que Simon portait déjà, mais lui donne un autre sens.
 
D’après l’Evangile de Marc, par contre, c’est Jésus qui « invente » ce surnom et l’attribue à Simon. Mais il ne l’investit pas de la vocation que lui donne Matthieu. Ni Paul, le tout premier évangéliste, ni Marc, source de Matthieu et de Luc, ni Jean, n’exaltent l’apôtre Pierre comme le fait Matthieu.
 
Dans les autres évangiles, la confession de Pierre est aussi relatée (Mc 8 /29 ; Lc 9/2O), et elle est même particulièrement belle dans l’Evangile de Jean (6 /68-69), mais Jésus ne fait aucun éloge de Pierre. Par contre, il leur recommande à tous de ne pas divulguer ce que Pierre a dit de lui, à savoir qu’il est le Christ et le Fils de Dieu.
 
Dans le chapitre 21, qui est l’appendice de l’Evangile de Jean, une scène particulièrement mystérieuse et émouvante se déroule entre le Ressuscité et Pierre, appelé par Jésus «Simon fils de Jonas ». Il lui demande s’il l’aime. Il ne lui demande aucune confession de foi, aucune formule théologique, aucune démarche intellectuelle ni même spirituelle. Il lui demande s’il l’aime. Ne me dis pas qui je suis ; dis-moi seulement si tu m’aimes. Et là, bien sûr, comme partout ailleurs, l’Evangile de Jean surpasse tous les autres. C’est lui qui donne la vraie explication de la primauté de Pierre : il doit devenir le berger du troupeau, le conducteur de l’Eglise, non à cause de la perfection théologique de sa confession, et non à cause de sa foi, mais à cause de son amour. L’Eglise n’est pas fondée sur la personne de Pierre, ni sur la foi de Pierre, mais sur son amour pour Jésus.
L’Evangile de Jean, écrit tardivement après tous les autres, donne le sens dernier à tous les autres. Il les a sans doute connus et s’en est parfois inspiré. Mais, de ces récits chronologiques et didactiques, il fait ressortir l’âme, le sens profond. Son évangile n’est pas un récit, ni une confession de foi. Il est une mise en relation avec le Seigneur, ,une relation personnelle et affective. Mais aussi une relation qui porte en elle le sacrifice : Pierre en restant attaché au Christ, ce qui est le vrai sens du verbe hébreu ahav, aimer, sera mené là où il ne voudra pas (v.18), au martyre. Et ce sera plus que de témoigner avec des mots.
 
Il convient donc de lire le passage de Matthieu 16/15-19 à la lumière de l’Evangile de Jean, et particulièrement de Jean 21/15-17, où il trouve sa véritable explication : quelle est la pierre sur laquelle est fondée l’Eglise ? C’est l’amour pour le Christ, un attachement qui ne craint pas le martyre, comme c’est aujourd’hui le cas pour tant de communautés chrétiennes d’Orient, et comme ce fut le cas des premiers chrétiens dont le sang, disait Tertullien, est la semence de l’Eglise. Le berger, l’évêque, le pontife, s’il n’a que ses paroles et son activisme, s’il n’a que sa foi, mais s’il n’a pas l’ amour pour son Seigneur, n’a plus en mains les clés du Royaume de Dieu.
 
Danielle Vincent.