Musée du Chateau d'Argent

Samedi 6 juillet 2019

CHATEAU D’ARGENT

Cycle de conférences de l'été 2019, par Danielle VINCENT  à la  Scierie-musée Vincent de Ste Croix-aux-Mines.

 Conférences - Entretiens – Débats 

Entrée libre 

Tél. O6 47 14 67 88 

Les conférences paraissent sur internet : www.museechateaudargent.com
 

«  Château d’Argent : Transmettre le savoir . » 

 

ALBERT SCHWEITZER : „ EHRFURCHT VOR DEM LEBEN „
 
Samedi 6 juillet 2O19
 
Nous procèderons en parcourant une à une les oeuvres les plus connues d’Albert Schweitzer, (1875-1965), pour y découvrir ses témoignages sur ses contacts avec la nature et le vivant, et ce qu’il entendait par « Respect de la vie », traduction française très affaiblie de l’allemand « Ehrfurcht vor dem Leben ». D’autres expressions allemandes sont pratiquement intraduisibles, comme « Sehnsucht », « Leidenschaft », « Heimweh », à forte charge affective, que la langue française, exclusivement cérébrale, est incapable de rendre.
 
« Ehrfurcht » en allemand est une crainte sacrée, un sentiment religieux, une vénération pour le mystère de la vie dont on pressent qu’il procède d’un ordre transcendant. Cette idée est employée dans la Bible pour exprimer la relation avec Dieu, lorsque, par exemple, Abram « tombe sur sa face » quand Dieu lui apparaît (Gn 17/3), et qu’il se prosterne devant les anges aux chênes de Mambré (18/2) ; quand Jacob est pris de terreur après son rêve et s’écrie : « Vraiment, c’est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas ! » (Gn 28/16) et aussi dans la scène du buisson ardent, où Moïse doit ôter ses sandales par respect pour le lieu sacré où il se trouve (Ex 3/5) ; la présence de l’arche de l’Alliance est une autre source de crainte et de prise de distance respectueuse (Jos 3/3-6). Le terme ou l’idée exprimées par « Ehrfurcht » intervient toujours lorsque l’homme est en présence de forces mystérieuses et surnaturelles.
Il s’agit alors d’une crainte et vénération de la vie, d’une assimilation de tout ce qui est vivant avec le sacré, d’une reconnaissance de la présence divine dans tout ce qui vit, et qui, suscite mentalement, un geste de prosternation comme Abram le fait en présence de Dieu. Cela va évidemment bien plus loin que l’expression française : « Respect de la vie ».
 
Ce sont d’abord les expériences d’enfance de Schweitzer qui ont jeté les bases de cette orientation (Souvenirs de mon enfance . 1ère édition: Albin Michel, 1951).
 
Dans ses souvenirs, il raconte que son premier contact avec un animal a été une expérience douloureuse : il se rappelle avoir été piqué par une abeille, à l’âge de trois ans, dans le jardin du presbytère de Gunsbach. Il avait plaisir à la voir aller et venir sur sa main, et en a été tout à coup cruellement piqué. Il interpréta l’attitude de l’abeille comme une vengeance : son père cueillait des rayons de miel à la ruche, et c’est sur lui, enfant innocent, que l’abeille s’est vengée.
Sa douleur et ses cris lui valurent d’être entouré de sollicitude, et c’est ce qu’il recherchait le plus. Déjà rien que le contact de son visage avec la main gantée de la servante, lui était resté en mémoire ; à plus forte raison lorsqu’elle le prenait dans ses bras et le couvrait de baisers.
La visite et la piqûre de la petite abeille ont donc été l’élément déclencheur qui réalisait son souhait profond : obtenir des marques d’affection et un contact physique avec ceux qu’il aimait tant, et avec sans doute son premier amour : la servante de la maison. On découvre plus loin que l’affection de sa mère lui a toujours manqué. L’abeille a donc provoqué des prises de conscience et lui a permis de trouver ce qu’il recherchait au fond de lui-même et dont il se sentait frustré.
 
Mais d’instinct, il aime les animaux et raconte l’histoire du « beau petit veau » qui suivait le père Jaeglé comme un chien. Une extrême sensibilité s’exprime aussi à l’égard des hommes, par exemple le juif Mausché tout le temps humilié, ou envers ses copains pauvres : il ne veut pas être favorisé par une meilleure nourriture ou des habits plus distingués. Cette sensibilité le pousse à mettre sa mère dans des situations embarrassantes, et cela culminera plus tard dans une brouille irréversible, lorsqu’Albert voudra, par compassion, aller soigner les Noirs d’Afrique, alors que sa mère rêvait pour lui d’une carrière universitaire.
Tout jeune garçon, il accepte d’endurer scènes, gifles et pénitence à la cave, parce qu’il refuse d’être différent des autres. Il endure ces souffrances « à cause d’eux », par « sympathie » dans le sens originel du mot « souffrir avec », et plus tard rien ne lui sera trop dur pour ses malades d’Afrique. Et cela, en dépit de l’ingratitude, de la méchanceté et de la trahison. Il éprouve même un sentiment de culpabilité en constatant qu’il joue mieux du piano que son institutrice. Au désespoir de sa mère, il manque totalement d’ambition parce qu’il ne veut pas se distinguer des autres ou leur être supérieur.
La même extrême - presque maladive – sensibilité se révèle dans la façon dont il ressent la musique. « Personne, disait-il, n’a jamais ressenti Bach aussi profondément que moi ». Ce sera de même pour Wagner. Le son d’un choral le terrasse littéralement.
Il jouit intensément de la nature lors de ses promenades à pied ou en vélo, et pleure à toute occasion, en devant écrire des lettres de nouvel-an, ou en écoutant les prédications du pasteur Schaeffer. Inversement, il rit à tout propos, mais est aussi affligé d’un grand défaut : la colère, qui l’empêche même de s’adonner sans dispute au moindre jeu. Il avoue qu’en Afrique, il se mettait dans de telles colères qu’ il ne se reconnaissait plus lui-même .
 
Sa compassion pour les misères d’autrui lui a, dès le début, gâché la vie : « Aussi haut que remontent mes souvenirs, j’ai souffert des nombreuses misères qui accablent le monde. Je n’ai jamais connu la véritable joie de vivre » (op.cit. p. 51).
Ce sont surtout les souffrances animales qui le tourmentent :
« Je souffrais surtout à la vue des maux et des durs labeurs auxquels sont condamnés les pauvres animaux. Le spectacle d’un vieux cheval boiteux qu’on menait à l’abattoir de Colmar en le tiraillant à la longe par devant et en le frappant à coups de trique par derrière, me poursuivit pendant des semaines comme un cauchemar » (p.51).
Il ne comprend pas pourquoi on ne prie pas pour les animaux et, de son propre chef, il ajoute à la prière du soir : « Bon Dieu, protège et bénis tout ce qui respire. Préserve du mal tous les êtres vivants ». (p.52). Et il applique le commandement : « Tu ne tueras point » aux oiseaux que son copain voulait tirer à la fronde. C’est donc pour lui un commandement qui ne souffre pas d’exception. Il s’applique non seulement aux hommes, mais invariablement à tout ce qui vit : « Ce commandement qui nous défend de tuer et de tourmenter opéra en moi comme une crise morale. Ce fut le grand événement de mon enfance et de ma jeunesse. En comparaison, tous les autres pâlissent » (p.53).
Dans son livre : A l’Orée de la Forêt vierge (1ère éd. Albin Michel 1952, 2e éd. 1995), alors qu’il s’apprêtait à devoir soulager avant tout les souffrances humaines, il est averti dès son passage au Sénégal, que les animaux sont torturés de façon inimaginable en Afrique : « Dakar ne me laisse pas un bon souvenir. Je me rappellerai toujours la brutalité avec laquelle on y traite les animaux (…). Le sort des bêtes de trait, livrées aux noirs, y est affreux. Je n’ai vu nulle part les chevaux et les mulets aussi maltraités. Deux noirs, installés sur un chariot lourdement chargé de bois, en panne sur la route, frappaient leur pauvre animal en vociférant. Je ne pus poursuivre mon chemin. J’obligeai ces noirs à descendre du véhicule et à le pousser avec moi (…). Si vous ne pouvez supporter de voir maltraiter les animaux, ne venez pas en Afrique, me dit le lieutenant à mon retour à bord ; car vous y verrez souvent d’horribles choses à ce sujet » (p.32-33).
Il remarque aussi que l’attitude de l’homme envers l’animal est alimentée par sa vanité : c’est par orgueil qu’il cherche à le dompter et à l’humilier. C’est le cas vis-à-vis de son chien et aussi du cheval que son voisin l’autorise parfois à conduire. Le jeune Albert en profite, veut jouer au conducteur de chars, mais est pris de violents remords lorsqu’il constate ensuite la fatigue de l’animal, ou les plaintes douloureuses du chien auquel il a décoché un coup de fouet dans l’œil. Il ne supporte pas davantage la pêche, où hameçons et poissons sont torturés dans l’indifférence générale. Et de conclure : « Tels son les épisodes qui ont fait lentement mûrir en moi l’inébranlable conviction, qu’à moins d’impérieuses nécessités, nous n’avons pas le droit d’infliger la souffrance ou la mort à un autre être. La cruauté de ces actes ne doit pas s’excuser de notre inconscience routinière. J’ai même la certitude qu’au fond nous pensons tous de même, et que si nous hésitons à en convenir et à agir en conséquence, c’est par crainte d’être taxés de sentimentaux, et parce que notre sensibilité s’émousse » (p. 56).
 
« Les souffrances du Continent noir » l’interpellent dès son adolescence, par une sculpture de Bartholdi au pied de la statue de l’amiral Bruat à Colmar ; cette émouvante figure de Nègre devient pour lui un lieu de pèlerinage.
 
Il est également très réceptif à la beauté de l’architecture et de l’ornementation des églises catholiques, à la spiritualité de cette religion qui lui apporte la mystique et le sens du mystère qu’il n’a pas trouvé dans le rationalisme protestant : « A travers les vitraux…les arbres, les nuages, le ciel, tout un monde qui prolongeait le chœur de l’église à des distances illimitées et les transfigurait ». Sa sensibilité s’ouvre à un oecuménisme total, dont le symbolisme des images et des statues, le culte des saints ne sont pas exclus.
Il est, de même, et tout cela va de pair, sensible au mystère de la vie et de la nature. Les explications qu’il reçoit dans sa matière préférée, les sciences naturelles, lui rendent ce mystère plus impénétrable encore : « Je voyais clairement que ce que nous appelons ‘force’ ou ‘vie’ restera au fond toujours inexplicable » (p. 89). On voit d’ici l’émerveillement qu’il a dû ressentir en faisant ses études de médecine. Mais comment supportait-il les séances de vivisection ? Il n’en parle jamais.
 
Très heureux dans sa jeunesse, il se pose maintenant la question - importante aujourd’hui – du « droit au bonheur ». « Ce droit au bonheur, voilà le problème qui, pour ma vie intérieure, devint un événement aussi important que l’avait été dès mon enfance la compassion pour toutes les souffrances qui règnent dans le monde (…). Ce sentiment et cette question déterminèrent ma conception de la vie et fixèrent ma destinée » (p.1O4).
Dans son ouvrage « Ma vie et ma pensée », il écrit encore : « Il me semblait inconcevable, alors que tant de gens autour de moi luttaient avec les soucis et la maladie, de pouvoir mener une vie heureuse » (Editions Albin Michel, 2O13, p. 93 ss).
Pour lui le bonheur ne peut pas être un don gratuit : « Nous n’avons pas le droit de garder notre vie pour nous. Celui qui a été comblé de bienfaits par la vie est tenu d’en répandre à son tour et dans la même mesure. Celui qui a été épargné par la souffrance doit contribuer à diminuer celle d’autrui. Tous, tant que nous sommes, nous avons à assumer une part du fardeau de douleur qui pèse sur le monde » (Souvenirs… p. 1O4).
 
A l’âge de vingt et un ans, en 1896, il décide de se consacrer d’abord à la théologie et à la musique, et ensuite, dans la trentaine, de se mettre au service de l’humanité souffrante .
Mais déjà pendant ses études à l’université, il se soucie des enfants abandonnés, des vagabonds et des prisonniers. Il ne veut cependant pas faire partie d’organismes officiels, préférant une action personnelle et indépendante. Depuis son enfance, il pensait aussi aux missions, et la lecture fortuite d’un bulletin de la Société des missions devient pour lui l’élément déclencheur. Dès lors, il ne reculera devant aucun obstacle, aucun effort, aucun sacrifice, aucune désillusion.
 
Il dira aussi qu’ « Ehrfurcht vor dem Leben », c’est avant tout se mettre au niveau des autres, être profondément humain : « Que chacun s’efforce, dans le milieu où il se trouve, de témoigner à d’autres une véritable humanité. C’est de cela que dépend l’avenir de ce monde » (Ma vie…p.1O4). Etre humain veut dire chez lui beaucoup de choses : c’est compatir aux souffrances et aux problèmes des autres, mais aussi renoncer à soi-même pour leur venir en aide et cela, jusqu’au sacrifice. Il rejoint ainsi la spiritualité orientale pour laquelle il faut penser au salut des autres avant le sien propre (Les grands penseurs de l’Inde, éd.Payot, 2OO4, p. 142).
 
Voici la base de toute civilisation. Aucune philosophie ni spiritualité, aucun système politique ni économique ne peuvent édifier durablement une civilisation, s’ils ne sont pas orientés, à la base, sur le respect sacré du vivant, du vivant sous toutes ses formes, humaine animale et végétale. Ce sera le grand thème de sa Philosophie de la Culture (1923), repris dans certaines pages de Ma vie et ma pensée.
Pendant longtemps, il cherche à comprendre pourquoi les civilisations se dégradent les unes après les autres, quel est le ferment qui leur a manque, et pourquoi l’Occident à son tour perd toute spiritualité, toute morale, et s’enfonce dans le matérialisme athée. La révélation se fait, comme souvent, quand on ne l’attend pas :
« Nous naviguions lentement à contre-courant, cherchant notre voie, non sans peine, parmi les bancs de sable. C’était la saison sèche. Assis sur le pont d’une des remorques, indifférent à ce qui m’entourait, je faisais effort pour saisir cette notion élémentaire et universelle de l’éthique, que ne nous livre aucune philosophie. Noircissant page après page, je n’avais d’autre dessein que de fixer mon esprit sur ce problème qui toujours se dérobait. Deux jours passèrent. Au soir du troisième, alors que nous avancions dans la lumière du soleil couchant, en dispersant au passage une bande d’hippopotames, soudain m’apparurent, sans que je les eusse pressentis ou cherchés, les mots : « Respect de la vie ». La porte d’airain avait cédé. La piste s’était montrée à travers le fourré. Enfin je m’étais ouvert une voie vers le centre où l’affirmation du monde et de la vie se rejoignent dans l’éthique » (Ma vie… p. 171).
C’est ce qu’il explique plus loin en disant que le perfectionnement spirituel et moral de l’homme est l’idéal le plus élevé, qui donne un sens à la recherche du progrès, à la science, à l’économie et à la politique (p.175).
 
Ses affirmations sont percutantes. Elles peuvent choquer certains, aujourd’hui, parce que nous en avons tellement dévié :
« L’homme qui pense éprouve le besoin de témoigner le même respect de la vie à toute volonté de vivre autre que la sienne. Il ressent cette autre vie dans la sienne.
Il considère comme bon : de conserver la vie et d’élever à sa plus haute valeur toute vie susceptible de développement.
Il considère comme mauvais : de détruire la vie, de nuire à la vie, d’empêcher de croître une vie susceptible de se développer.
Tel est le principe absolu, fondamental de l’éthique, ainsi que le postulat fondamental de la pensée. » (p.174).
 
Le respect de la vie ne concerne pas seulement celui de l’être humain, mais de toute forme que peut revêtir le vivant sur cette terre :
« La grande lacune de l’éthique jusqu’à présent est qu’elle croyait n’avoir affaire qu’à la relation de l’homme à l’égard des humains. Mais en réalité, il s’agit de son attitude à l’égard de l’univers et de toute créature. L’homme n’est moral que lorsque la vie en soi, celle de la plante et de l’animal aussi bien que celle des humains, lui est sacrée, et qu’il s’efforce d’aider dans la mesure du possible toute vie en détresse » (p. 174).
Ainsi l’aide apportée à l’homme n’est qu’une partie du devoir moral : elle doit être complétée par le secours à la nature et aux animaux.
Et cela, seul l’être humain peut le faire car la nature en elle-même est destructrice : toute existence vit aux dépens d’une autre et en détruit une autre. La loi de la nature est cruelle. Il incombe à l’homme de la mettre en échec, et c’est alors que la parole de Dieu à Adam, dans la Genèse prend tout son sens : « Remplissez la terre et dominez la » (Gn 1/28) : dominez la loi de destruction de la nature. Faites qu’il en soit autrement. Schweitzer ne fait pas cette exégèse-là. Mais on peut interpréter ce passage de la Genèse à la lumière de son « Ehrfurcht vor dem Leben ».
 
On peut dire que la pensée écologique actuelle a déjà été formulée au début du vingtième siècle par le docteur de Lambaréné. Le fait que toutes ses publications principales aient été écrites en allemand a beaucoup contribué à laisser ce génie dans l’ombre, ici en France. Il est temps maintenant de le redécouvrir, car il a une parole et une solution pour l’humanité et le monde à venir.
 
Nous consacrerons notre prochaine rencontre, le samedi 3 août 2O19, aux très belles prédications qu’Albert Schweitzer avait données en tant que vicaire de la paroisse saint Nicolas de Strasbourg, dès les années 19OO.
 
 
 
Il est indispensable de mentionner les œuvres principales d’Albert Schweitzer (sauf ici ses études exégétiques), dans leur langue originale :
 
- Zwischen Wasser und Urwald. Erlebnisse und Beobachtungen eines Artzes im Urwalde Aequatorialafrikas. (Verlag M.Drechsel, Bern, 1921, 165 S.)
 
- Kulturphilosophie. Verfall und Wiederaufbau der Kultur (Bern, 1923).
 
- Aus meiner Kindheit und Jugendzeit (Librairie évangélique, 1924, 73 S.)
 
- Aus meinem Leben und Denken (Meinerverlag, 1931, 211 S.)
 
- Die Weltanschauung der indischen Denker: Mystik und Ethik (Verlag C.H.Beck, München, 1935, 2O1 S.)
- Strassburger Predigten : 19OO – 1919 (Verlag C.H.Beck, München, 1966, 169 S.)
 
- Predigten: 1898-1948. Hergestellt von Richard Brüllmann und Erich Grässer (Verlag C.H.Beck, München, 2OO1, 1392 S.)
 
- A.Schweitzer: Gesammelte Werke in fünf Bänden, hg. von Rudolf Grabs (Verlag C.H.Beck, München, 1974).
 
Danielle Vincent.